Relations sexuelles pendant le sommeil, il s’agit bien d’un viol ! 

Il semble que le principe du consentement libre et clair ne soit pas connu de certains avocats. Maîtres Karim Laouadi et Merabi Murgulia, défenseurs d’un violeur aujourd’hui condamnés, s’étonnent du jugement qui frappe leur client.

En 2014 puis en 2017, Babacar, âgé aujourd’hui de 36 ans a, par deux fois, eu des relations sexuelles avec des femmes pendant qu’elles dormaient. Ces femmes étaient, à chaque fois, sous l’emprise de l’alcool et de drogue, selon nos confrères du journal Le Parisien.

Campagne de prévention du viol

Passons sur le fait que l’une des deux victimes était mineure au moment des faits, le juge l’a sans doute pris en compte dans l’appréciation du crime.

Le consentement est défini dans le dictionnaire comme l’ “action de donner son accord à une action ou à un projet.” Juridiquement parlant, “le consentement à un acte sexuel est le fait, pour deux personnes, d’accepter de manière non-équivoque d’avoir un rapport sexuel ensemble.”

Surprise des avocats

Les avocats de ce criminel s’étonnent, dans les colonnes du Parisien : “Notre client continue de clamer son innocence” ont-ils réagi ”Comme trop souvent, en matière d’infractions sexuelles, la seule parole des plaignantes suffit pour condamner un homme à huit ans de prison.

A croire qu’ils n’ont pas conscience de ce qu’est l’état de sommeil.

Le Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil de Lausanne (Suisse) explique avec clarté (https://www.chuv.ch/fr/sommeil/cirs-home/recherche/reves-et-conscience) : “Toutes les nuits, quand nous nous endormons, notre conscience subit des changements remarquables. (…)  A d’autres moments de la nuit, la conscience peut totalement disparaître, typiquement, mais non exclusivement en sommeil profond en début de nuit.

En des termes plus adaptés à la justice, lorsqu’on s’endort, on déconnecte le cerveau du monde extérieur et on le connecte avec son monde intérieur.

On ne peut donc pas, lorsque l’on dort, avoir un comportement d’accord ou d’acceptation de quoi que ce soit. C’est la raison, par exemple, qui fait qu’on doit être éveillé pour signer un chèque de paiement des émoluments dus à un avocat.

L’accusé reconnaît les relations sexuelles

En outre dans cette histoire l’accusé reconnaît les relations sexuelles. Il est qualifié, par nos confrères du Parisien d’“habitué des soirées branchées de la capitale, consommateur régulier de cocaïne.

Nous sommes donc, ici, face à un accusé qui prend de la drogue, qui a des relations sexuelles avec des femmes alcoolisées et droguées. Et qui dorment.

La prise de quelque substance que ce soit ne change rien à la caractérisation du viol

Les faits sont là, cet homme a profité d’un état de faiblesse de ces femmes pour avoir des relations sexuelles avec elles. Il les a forcées à ces relations sexuelles pendant qu’elles étaient endormies.

Il les a violées.

Les viols en soirée

Le Collectif Féministe Contre le Viol, représenté par Maître Rongier, déclarait à la sortie du Tribunal : “Le viol en soirée dans un contexte alcoolisé, souvent minimisé, a été reconnu et sanctionné à la hauteur de la gravité des faits. C’est une avancée dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

L’association s’est portée partie civile dans ce procès.

Il est une évidence à rappeler : le fait qu’une personne consomme de la drogue, de l’alcool en toute conscience et en toute lucidité n’autorise pas de fait encore moins implicitement de rapport sexuel. Au contraire, l’humanité et l’empathie naturelle de l’être humain devraient faire en sorte que le comportement (masculin comme féminin) par défaut, soit alors protecteur et secourant.

Peine légère

La peine qu’il reçoit en réparation de son crime est bien légère. Ce sont huit années de prison auxquelles le violeur est condamné, là où les textes condamnent à quinze années d’emprisonnement les violeurs.

Les attendus de ce procès ne sont pas encore disponibles, mais il est certain que les circonstances auront été jugées atténuantes eut égard au crime commis. A commencer par le fait que ces femmes avaient absorbé alcool ou drogue, consciemment, avant d’être violées. Sans doute aussi le fait qu’il n’ait pas été fait usage de violence ou de menace a-t’il pu influencer cette procédure de jugement.

Dans tous les cas, les deux victimes devront se contenter d’une demi-mesure dans la réparation du crime qu’elles ont subi.

Les commentaires des avocats de l’accusé ne viendront pas alléger cette douleur.

Yannick Agnel nage en eau trouble

Accusé de viol et d’agression sexuelle sur mineure, le nageur Yannick Agnel est mis en examen mais libre au terme de 48h de garde à vue. L’enquête fait suite à une plainte d’une nageuse, fille aînée de son entraîneur Lionel Horter, qui s’entraînait avec Agnel à Mulhouse entre 2014 et 2016. Plusieurs nageurs ou anciens nageurs ont été auditionnés ces dernières semaines.
Yannick Agnel a reconnu « la matérialité des faits » que lui reproche la justice mais pas « la contrainte ». Le nageur avait 24 ans et la plaignante 13 ans au moment des faits en 2016. La victime a signalé plusieurs viols dans le Bas-Rhin, en Thaïlande, à Rio ou Tenerife. Yannick Agnel encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle.

La magistrate a rappelé que la loi interdit en France toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans, même si celui-ci est consentant.

A la même époque, entre deux longueurs, Yannick Agnel trouve le temps de s’improviser chroniqueur cinéma. Le nageur a lancé une chaîne Youtube avec Liberty, la plus jeune fille de Lionel Horter, fin avril. Il y commente (occasionnellement) les dernières sorties sur grand écran.

Une série de vidéos très malaisantes datant de 2016 .. et qui prennent une toute autre dimension lorsque l’on se remémore le contexte (moment des faits).

Chaîne Youtube assortie d’une photo dans un tweet de Yannick Agnel (supprimé hier par son auteur) : « Je l’aime beaucoup beaucoup signé @liberty_horter »

DR Yannick Agnel

Les filles de l’entraîneur Lionel Horter pratiquent aujourd’hui toutes deux la natation.

Latifa Ibn Ziaten, femme parmi les mères

Souvent cantonnée au personnage de mère ayant perdu un enfant, Latifa Ibn Ziaten est bien davantage que la victime collatérale du terrorisme est de la violence. Il nous a semblé utile, à quelques mois d’une échéance électorale majeure, de parler avec la femme qui incarne le mieux, en France, la notion de pardon.

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Pour beaucoup, Latifa Ibn Ziaten est uniquement la maman du soldat tué par un terroriste en 2012, porte-parole à la fois du pardon et de la résilience.. mais qui se cache derrière cette mère à jamais blessée ?

Latifa, qui êtes-vous ? 

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Je suis une femme Marocaine née à Tétouan. À l’âge de 40 jours, j’ai quitté le Maroc pour rejoindre l’Espagne, où je suis restée jusqu’à 9 ans.” commence Madame Ziaten. “Le couple que formaient mes parents battait de l’aile et, à cette époque, la société marocaine acceptait mal le divorce. Ma Grand-mère, notamment, mettait énormément de pression pour qu’elle demeure en couple malgré tout. C’est donc sous la double menace d’un mari mal-aimée d’une part et d’un entourage familial assez peu bienveillant qu’elle a fait le choix d’immigrer, avec ses 4 enfants, pour un pays inconnu, du jour au lendemain” justifie-t-elle.

Remariée en Espagne, Madame Ziaten mère aura un cinquième enfant. Tombée gravement malade, elle devra retourner au Maroc pour trouver quelqu’un qui pourrait s’occuper de la fratrie. À son décès, c’est tout naturellement le père naturel des enfants qui va en récupérer la garde : “Ma mère décède au moment de Noël et nous retournons vivre chez mon père naturel. Il m’interdit l’école et me traite comme la bonne à tout faire de la maison. Je voulais devenir enseignante ou avocate, il m’a empêchée de réaliser mes rêves” poursuit Latifa qui décide de revenir vivre chez sa grand-mère, avec pour seul objectif de quitter ce foyer insupportable.

À 17 ans, Latifa se marie. Choc dans la belle famille, vie difficile sans loisir ni distraction. C’est à 18 ans qu’elle quitte le Maroc avec son époux et s’installe à Rouen (Seine-Maritime). Confrontée à une nouvelle langue – Latifa ne parle pas encore le français – et une nouvelle culture, l’immigrée comprend que dans la France de la fin des années 60, elle est celle qui allait devoir s’assimiler : “Je voulais m’adapter et aller vers les gens. J’avais en tête qu’étant celle qui est venue, c’était à moi de changer et de me fondre dans le moule de ce nouveau pays”. Coup de chance ou hasards des attributions de logement, elle rencontre un voisinage qui l’aidera à vivre et devenir la femme qu’elle est en 2021 : “Mes voisins d’alors étaient des personnes extraordinaires que je n’oublierais jamais. Ils m’ont aidé à sortir de chez moi, à vivre tout simplement. En plus de m’aider à parler et à écrire le français, ils m’ont appris à faire du vélo, à aller faire des courses et à me sentir libre dans le pays des Droits de l’Homme. Je les ai perdus de vue avec le temps, 40 années ont passé depuis, malheureusement”.

Je voulais construire ma famille

Les lois Pasqua sont en place en France et interdisent aux femmes de couples immigrés de travailler. C’est par contrainte plus que par choix que celle qui voulait plus que tout respecter son pays d’accueil doit travailler au noir. Elle fait des ménages tout en retournant étudier. Avec un objectif en tête : “Je voulais bâtir ma vie, construire ma famille.

Alors que son entourage la décourage de le faire, Latifa passe son permis de conduire et l’obtient. Achat d’une camionnette, elle part vendre des fruits et des légumes sur les marchés normands avec l’aide de ses enfants. Épuisée à la fois par des horaires contraignants et par des revenus aléatoires, celle qui doit en plus s’occuper du foyer (on ne parlait pas encore de charge mentale dans les années 70) préfère aller travailler en usine, obtenant des horaires et un revenu plus stables.

Un de ses enfants lui parle de “ces dames qui font à manger dans les écoles”. Toujours prête pour une nouvelle aventure, la rouennaise dépose sa candidature en tant que femme de service à la mairie de Rouen. Elle est embauchée par l’administration locale. Le hasard faisant bien les choses, elle bénéficiera d’une promotion au moment du départ à la retraite de la cuisinière.

« Ne t’en fais pas, on mangera à la marocaine ! »

Moment totalement improbable dans la magie de l’existence de cette femme “Je ne savais pas faire la cuisine française” nous explique Latifa avec cet intarissable bonne humeur “j’ai dû improviser ! » « Ma chef, à qui j’ai expliqué cette crainte, m’a répondu ‘Ne t’en fais pas, on mangera à la marocaine’« . Grand bien a pris aux deux femmes. Les enfants mangent ce que la cuisinière leur propose et semblent aimer. C’est avec son étonnante capacité à apprendre qu’elle découvrira les habitudes alimentaires françaises au fil du temps. Quinze années passées comme cuisinière à la mairie de Rouen, puis une dizaine d’années supplémentaires après le passage en “liaison froide”. La cuisinière qui prenait plaisir à préparer de bons petits plats aux enfants passe à l’industriel.

Survient un accident domestique, première rupture dans la vie de Latifa. Elle perd son coude gauche et se retrouve dans l’incapacité de porter les barquettes alimentaires. Recasée au musée des beaux-arts de Rouen en tant que surveillante et agent d’accueil, c’est dans un éclat de rire que Latifa nous explique son fonctionnement, toujours aussi intelligent, alors “Je ne connaissais ni les œuvres exposées ni les peintres. Je faisais mine de mal comprendre les questions des visiteurs pour les rediriger vers mes collègues, tout en écoutant les réponses de ceux-ci et en apprenant les tableaux et leurs auteurs”. Restée durant deux années à ce poste, Latifa ajoute une corde à son arc, l’art pictural.

La vie de Latifa va être bouleversée

Pour Latifa, la vie s’arrête vers 16 heures, un dimanche, sur les contreforts du magasin Le printemps. Son fils, Imad, a rendez-vous pour la vente d’une moto sur un parking proche de Montauban. Le militaire français est froidement exécuté d’une balle en pleine tête.

La Latifa d’aujourd’hui n’est plus la même” commente la maman devenue orpheline de son fils “Imad avait quelque chose en lui. Nous avons voyagé ensemble avec une telle complicité que certains pensaient que nous étions mariés l’un avec l’autre. Nous étions tous les deux totalement fusionnels. Imad était un garçon remplit de rire, de vie et d’espoir. Il avait plein d’idées et aimait son métier, il a voyagé à travers le monde sous l’uniforme et a dégusté ce monde et la famille. La famille était importante pour lui. Il témoignait de tout ce qu’il vivait. La famille était au cœur de sa vie.” continue Latifa.

Imad m’a laissé un vide énorme, que je remplis du bien pour les autres.” explique la femme blessée.

Latifa n’a que deux options, s’effondrer ou rebondir. Seule cette seconde alternative est acceptable pour celle qui a connu bien des galères dans son existence. Mais pour cela, il faut trouver une énergie, de vie : “Mon énergie, c’est Imad, mon fils [Latifa parle alors au présent, NDLR.]. Mon fils, c’est un garçon qui était ma moitié. Il savait détecter si je n’allais pas bien au simple timbre de ma voix. Il me connaissait et je le connaissais. J’ai 5 enfants, et chacun est différent. Ils sont comme mes doigts, on a besoin de tous ses doigts pour vivre. Aujourd’hui, toute ma force, c’est d’aller vers l’autre et de donner de l’importance aux gens. J’ai envie de donner de l’espoir aux autres. Je veux aider les autres à prendre leur vie en main.” termine Latifa.

Le combat qu’a entamé Latifa ce dimanche du mois de mars 2012, elle l’a toujours eu chevillé au corps. C’est une détestation viscérale que la Femme a contre les injustices de ce monde. 

Y-compris lorsqu’elle travaillait dans le milieu scolaire : “Lorsque je travaillais dans les écoles, je me battais contre l’injustice. Lorsque je voyais un prof punir un gamin dans un couloir en le laissant seul, je le signalais. C’était injuste de l’empêcher d’apprendre, je n’avais pas peur. Ce n’est pas faire preuve de courage que de dénoncer les injustices, c’est une force de caractère. La perte de mon fils a créé une force supplémentaire en moi, je pense qu’il y a quelqu’un derrière moi qui me motive et me pousse à faire les choses.

A propos de son combat, la maman nous explique avec beaucoup de lucidité “Je suis dans un combat de paix. Je me lève et je rencontre des jeunes tombés dans cette secte.

De quelle secte parle Latifa ? 

Cette secte” commence-t-elle ”c’est un groupe de gens qui se disent Musulmans. Ils utilisent le nom de la religion pour instiller dans des esprits devenus faibles la haine et la détestation des autres.” 

Latifa précise, comme s’il était nécessaire de le rappeler en 2021 “Musulmane, je suis d’abord française, je respecte avant tout la république.

L’Islam ne demande, à l’instar de toutes les religions, aucunement de tuer ou de sacrifier qui que ce soit. C’est une religion de paix et d’amour que certains dévoient. » insiste Latifa.

Fallait-il le rappeler ? 

La famille, terreau vers la radicalisation

Je suis entrée dans beaucoup de familles de gamins qui ont dérivé. J’ai appris beaucoup de choses en les analysant.” explique la maman « Dès le début, leurs familles sont instables. La vie familiale n’est pas construite, peu importe sur quoi, d’ailleurs. Il manque des fondations, comme pour tout édifice.” 

Latifa analyse “Les parents venus de l’étranger veulent souvent reproduire le modèle de leur pays d’origine en France. Les enfants de ces familles sont livrés à eux-mêmes, car les parents ont d’autres occupations. La chance se provoque et il faut aller la chercher. La chance d’être né ou de vivre en France n’est due qu’aux droits que nous donne ce pays“ poursuit-elle.

C’est à la maison que tout débute

C’est à la maison que tout débute et il n’est pas là question de richesse ou de fortune. Tout est une question d’éducation, de dialogue et d’échange. Si on n’est pas présent à sa famille, autour d’une table avec les enfants, il ne faut pas s’étonner qu’ils aillent chercher une présence ailleurs. Il existe une confusion aujourd’hui ; l’amour, ce n’est ni un téléphone ni une tablette. C’est l’échange.

Quelle mécanique est mise en place par ces groupes sectaires pour parvenir à laver le cerveau de ces gamins que la société laisse échapper ? 

La délinquance est le fruit du rejet. Les gamins rejetés (par l’école, par les adultes, par le voisinage…)  rencontrent un recruteur de cette secte qui va leur donner un petit billet contre un crime. Ils vont d’abord garder un peu de cannabis contre quelques euros. Puis, petit à petit, les recrues étant de plus en plus nombreuses, un groupe va se former, recréant une cellule familiale. Dans ce groupe, un semblant de dialogue et d’échange existent, au service d’un objectif criminel, toujours. L’organisation de ces groupes est précise, certains les envoient faire du mal aux autres, d’autres servent à former au crime tandis que certains servent à inculquer une lecture toujours déformée du Coran. Ils agissent comme de vrais centres de formation, avec des sujets et des thèmes de formation et se repassent les élèves entre groupes” explique celle qui a, avec le temps, acquis une lecture extrêmement précise des mécanismes d’endoctrinement de ces groupes.

Le dérapage commence très tôt, sans doute à l’école maternelle

Si certains finissent par passer à l’acte, tous passeront par la case prison, souvent pour des délits mineurs. Ces détenus, Latifa les a rencontrés eux-aussi, elle en parle avec clairvoyance “Dans les prisons, je suis très triste de voir qu’il y a beaucoup d’enfants maghrébins. Il y en a de trop et je ne comprends fondamentalement pas pour quelle raison ils sont autant sur représentés. Ils ont, eux aussi, un cerveau et sont, eux aussi, intelligents. Je pense que le dérapage commence très tôt, sans doute à l’école maternelle” explique Latifa.

Si, déjà, à la maternelle, les choses ne vont pas, il n’y a pas de raison pour que cela s’améliore avec le temps. Pour autant, l’institution école fait son travail. Elle alerte et dit aux parents que les choses ne vont pas bien. Seulement, certains enseignants abandonnent trop tôt, pour de multiples raisons. C’est triste d’entendre un enseignant de maternelle dire qu’un gamin est perdu.”

Loin de l’angélisme béat, Latifa ne tire pas à boulets rouges sur les institutions pour autant “La prison est là pour rappeler les règles et insister sur la nécessité de les respecter pour la vie commune. Elle ne le fait pas et recrée les modèles de non-communication et d’exclusion qui préexistaient dans la famille. Les valeurs et les codes sont là pour le bon fonctionnement des enfants.

Pour justifier son propos, Latifa cite un exemple qu’elle a connu : “j’ai été invitée à une conférence dans un superbe foyer. Tout était neuf, de beaux meubles, de beaux locaux. Un des jeunes me demande si je veux rester manger avec eux. J’étais très honorée de cette invitation, le partage du repas est très symbolique. Je suis restée avec eux avec énormément de plaisir.” commence l’ancienne cuisinière à la mairie de Rouen.

Le repas préparé, une marmite est amenée sur une table avec des spaghettis d’un côté, de la sauce tomate de l’autre” décrit Latifa.

Ces enfants se servaient comme des animaux. Ils utilisaient tous le même matériel pour se servir. Il n’y avait aucun plaisir ni aucun amour dans la relation qu’ils avaient de leur repas, avec ce plat préparé sans partage de plaisir. Ce qui tombait de la louche sur le sol y restait, sans qu’aucun de ces jeunes ne prenne le temps d’essuyer. D’ailleurs, avec quoi l’auraient-ils fait ?

Ce comportement” poursuit Latifa “ne choquait personne, pas même le directeur. Je me suis permise de lui faire la remarque qu’ils – ces jeunes – ne pourraient jamais trouver leur place à l’extérieur de la structure avec de telles attitudes. Il n’avait jamais fait attention à ce comportement, il n’y voyait que des attitudes adolescentes m’a-t-il expliqué.

Illustration par l’exemple du fond du combat de Latifa :” il faut enseigner à nos enfants les règles. Et celle du repas est nécessaire. Les règles sont des bases communes.”

Les jeunes de ce foyer, Latifa leur a parlé au cours de ce repas aussi. “Ils ont compris que je m’adresse aux enfants qui sommeillent en eux” explique-t-elle.

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Vous mangez parce que vous avez faim, pas pour apprécier ce que vous consommez. Pensez qu’autour de la table, vous pouvez rire, parler, échanger et débattre. Le repas est un moment important.” leur a expliqué Latifa, avant de les remercier chaleureusement pour l’invitation, forme de respect donné à ces jeunes “qui n’en reçoivent que trop rarement” explique la maman.

La société, les prisons, les écoles, les foyers sont ainsi, selon ce qu’explique Latifa, responsables de cet endoctrinement mortifère. C’est obvier nos responsabilités individuelles et penser que ce méta-organisme, l’État, existe en autonomie, hors sol.

Que devons-nous, en tant qu’individus dans la société, faire pour éviter le dérapage ? 

Tout commence dans le regard” explique Madame Ibn Ziaten. “Regardez l’autre avec à la fois un sourire aux lèvres et un regard souriant. Le regard, les yeux et le visage parlent. Tout cela, c’est un contact à la fois des cœurs et des cerveaux.” continue-t-elle. “Lorsque je parle avec quelqu’un, je le regarde dans les yeux. Ils me disent s’il est sincère ou s’il est sérieux. Tout se sent dans le regard. Souvent, ces jeunes embrigadés ont un regard froid et vide qui fait peur. C’est en changeant notre regard sur cette jeunesse qu’elle changera son regard sur le monde que nous lui offrons.

La France est un pays de mixités

La relation à la Nation, à la République et au Pays ? 

Nous avons la chance de vivre tous ensemble. La France est un pays de mixités. C’est une richesse, ce sont des valeurs qui ont construit notre beau pays. Si nous arrivions à vivre tous ensemble avec nos histoires, avec nos valeurs et nos traditions, la France sera un super pays. Chacun a une petite pierre, aussi petite soit-elle, à apporter à la société. Non pas pour la rendre meilleure à sa façon individuelle, mais pour la rendre simplement plus belle dans l’ensemble.” résume Latifa. 

Et l’État dans tout ça, quelle est sa responsabilité dans la perte de ces gamins ? 

Latifa nous fournit une brillante définition de ce qu’est être citoyen : “On ne doit pas tout attendre de l’État. En France, il ne surveille pas ce que fait le peuple. C’est cette liberté qui implique une lourde responsabilité individuelle. Dans les administrations, comme on les appelle, chaque personne fait son travail aussi bien qu’elle le peut. Mais si le changement ne vient pas de la population, rien n’évoluera, l’État ne peut pas aller contre la société. Si chacun donnait une partie infime de son temps à l’autre, dans le dialogue, le partage ou l’éducation, tout changerait. Je dis et je répète à tous les Français de se réveiller, nous sommes tous dotés d’un cerveau, il faut l’utiliser pour ne pas aller vers la simplicité du prêt à penser.

Présidentielles 2022, un moment pour changer les choses

À l’approche d’une échéance électorale majeure pour notre pays, nous ne pouvions pas ne pas évoquer la question politique avec Latifa Ibn Ziaten. C’est en tant que citoyenne que nous avons souhaité receuillir son opinion. Au moins trois femmes sont, aujourd’hui, déclarées candidates à l’élection présidentielle (Nathalie Arthaud pour Lutte Ouvrière, Anne Hidalgo pour le Parti Socialiste et Marine le Pen pour le Rassemblement National).

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Que pense la combattante pour la paix, de cette féminisation possible de la plus haute des fonctions ?

“La femme a sa place aujourd’hui” commence Latifa. “La femme est pacifiste, résistante, patiente et ne veut aucunement la guerre. On a besoin d’une femme à la tête du pays, qui aurait la capacité de le gérer autrement, en étant moins dans le combat que ne l’ont été tous les hommes Présidents de la République jusqu’à maintenant.

Je suis là pour défendre cette jeunesse, lui donner la chance de vivre une belle vie

Avant de nous surprendre : ”Je suis là pour défendre cette jeunesse, lui donner la chance de vivre une belle vie.” 

Sur cette phrase énigmatique, il nous fallait des éclaircissements.

Latifa, candidate en 2022 ?

Je commence à m’intéresser à la politique.” nous explique-t-elle. “Je voudrais rentrer un peu plus en politique et travailler à ouvrir la cité. Il faut recréer la mixité au-delà du principe. Ces jeunes qui se radicalisent sont des Français, la société crée des bombes à retardement et les laisse dans la nature. Les choses commencent à changer dans les cités et dans les quartiers, c’est extraordinaire, même s’il faut garder le cap et continuer d’initier le changement” poursuit Latifa.

Je ne suis pas dans la politique, j’envoie des messages aux femmes et aux hommes qui font de la politique. Les messages sont reçus, où que je me trouve. Je suis la porte-parole de cette jeunesse que nous sommes en train de perdre et qu’il faut absolument ne plus laisser glisser” insiste la mère de famille devenue militante par la force des choses.

La politique n’a pas de lien direct avec mon combat contre cette secte. Mais je sais que si on n’implique pas les politiques, les choses ne changent pas. Je vais donc m’impliquer en politique pour travailler avec eux et faire changer les choses de l’intérieur. Il y a des lois qu’il faut changer et faire évoluer. Les lois sont trop souvent vues et vécues comme des vecteurs d’interdiction ou d’obligation, alors que la loi est avant tout une garantie de droits. Il existe des obligations qui doivent être respectées.

Mon Cœur est avec toutes les victimes 

Pour conclure, Latifa a posté, au démarrage du procès des attentats de 2013, un message appelant à ce que la justice soit rendue pour tous. Comment la mère déchirée a-t-elle le courage d’appeler à une justice à laquelle elle n’aura jamais droit ? 

Combattante au nom d’Imad ? 

La justice doit être rendue pour toutes les familles, qu’elles soient du côté des victimes comme du côté des auteurs. Mon cœur est avec ces familles, je sais par où je suis passée et je pense à elles tous les jours.

NDLR : Cet entretien a eu lieu au début du mois de septembre 2021. C’est pour éviter de faire parler notre témoin à une date clé - démarrage du procès des attentats de 2013 - que nous avons choisi de décaler la publication de cet échange.

« Arrête toi ! » un livre hommage qui décrypte la machine policière

« Arrête-toi! » écrit conjointement par Amanda Jacquel, journaliste et Makan Kebé et préfacé par Assa Traoré, raconte l’histoire d’une famille, d’une mère et de ses enfants, confrontés aux violences policières. Un livre engagé et militant.

Amanda Jacquel et Makan Kébe – Crédits PMN Editions

Tout commence par un fait divers la nuit du 25 juin 2013 qui fera basculer la vie de la famille Keber.
Il est 20h, Makan Kebé rentre du travail. En bas de chez lui, dans son quartier, plusieurs hommes se ruent vers lui en criant « Arrête-toi! ». Ce sont des policiers. Makan s’arrête, les policiers le prennent violemment à parti. Mohamed, son frère aîné, voit la scène depuis la fenêtre du domicile familial et descend pour aider Makan. Il est balayé, frappé, gazé et subit un tir de flashball à l’oreille. Cela lui endommagera durablement l’ouïe. Fatouma Kebé, maman de Mohamed et Makan, descend à son tour pour tenter de calmer la situation. Arrivée en bas de l’immeuble avec son petit-fils de 14 mois dans les bras, elle reçoit un éclat de grenade de désencerclement dans l’œil. Elle en perdra définitivement l’usage.

Malgré les vidéos qui existent de la scène, sept 7 ans après, les policiers sont acquittés. La seule personne condamnée sera Mohamed, pour outrage et rébellion.

La famille Kebé a lutté pendant sept années avec espoir et douleurs pour obtenir justice devant les tribunaux. Fatoumata Kebé est décédée avant l’acquittement en appel des policiers.

« Arrête-toi » c’est d’abord la réappropriation d’un récit par un jeune homme qui durant cette longue lutte judiciaire de sept années n’a eu que très rarement l’occasion de prendre la parole.

Ce livre découle du besoin de Makan Kebé de raconter mais également d’analyser, le fait de grandir dans un quartier populaire pour un jeune homme noir et l’évolution du rapport des jeunes avec la police. À l’heure où filmer les policiers fait débat, l’histoire de Makan et sa famille rappelle à quel point les vidéos sont cruciales dans ce type d’affaire. 

Cet ouvrage est tissé des textes poétiques de Makan, écrits depuis son plus jeune âge et tout au long de la procédure judiciaire qui nous rappellent ô combien nos existences ne tiennent qu’à un fil.

Assa Traore en signe la préface, en hommage au « travail jamais terminé » de nos mères et à Fatouma Kebe.

L’ouvrage est disponible chez PMN Editions au prix de 15€