L’Abandon de l’Aide Médicale d’Etat … une grave erreur ?

En 2022, les recettes de la branche maladie de la Sécurité Sociale proviennent de 11,3 millions de cotisants. Les caisses primaires d’assurance maladie de la Sécurité Nociale ont décaissé 221,6 milliards d’euros nets qui se répartissent à 43 % dans la médecine de ville, 40 % les établissements de santé (hôpitaux, dispensaires…), les, 17 % restants se répartissent dans d’autres domaines, dont les charges de fonctionnement, l’aide médicale d’état ou les fonds d’intervention régionales. Ces chiffres sont en provenance directe du gouvernement (consultables sur https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/DSS/2023/Chiffres%20cles%20de%20la%20DSS%202022.pdf)

Dr Mathilde Chouquet, vice-présidente de l’association ReAGJIR – DR

En zoomant, notamment au regard du récent débat sur le budget de la sécurité sociale mêlé bien opportunément à celui sur l’immigration (on se demande en quoi ils sont liés), on se rend compte que l’Aide Médicale d’Etat, que la candidate RN aux dernières élections présidentielles considérait comme “injuste à l’égard d’un tiers des Français qui n’arrive pas à se soigner” (source : BFMTV-RMC interview face à Jean-Jacques Bourdin, 12 Janvier 2022)” coûte entre 0,7 et 1 milliard d’euro au budget de l’état (source : institut Montaigne) et concerne moins de 400.000 personnes en France.

C’est au Dr Mathilde Chouquet, établie à Rennes en Ille-et-Vilaine et vice-présidente de l’association ReAGJIR (Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants) que j’ai demandé des éclaircissements sur cette mesure, après que l’association ait communiqué sur le remplacement de l’AME par l’AMU, qu’elle considère telle “la perte d’un le moyen donné aux professionnels de santé de poursuivre leur devoir déontologique: prendre soin de tous, sans distinction”.

La structure est particulièrement sensibilisée à la question de l’AME. En effet, dans le désert médical qui commence à s’étendre dans toutes les régions de France, les jeunes médecins sont ceux qui prennent en charge, en premier, les personnes dans les plus grandes souffrances. Y compris, donc, ces “sans-papiers” comme on les nomme pudiquement, mais qui ont néanmoins eu maille à partir avec les paperasses des CPAM pour bénéficier de cette aide.

Contrairement au fantasme largement répandu” commence la vice-présidente “le bénéfice de cette aide médicale d’état n’est ni automatique, ni systématique. Moins de 50 % des patients qui pourraient bénéficier de cette aide en font la demande; pour de multiples raisons, qu’il s’agisse de méconnaissance ou de difficultés linguistiques.

Il faut dire que les conditions d’octroi de cette aide sont particulièrement exigeantes : 

  • Ne disposer d’aucun titre de séjour régulier en France
  • Percevoir moins de 800 € par mois (sauf pour les mineurs)
  • Ne pas avoir être demandeur d’asile (un autre dispositif existe dans ce cas)
  • Renouveler chaque année la demande d’AME, qui peut être refusée
  • Nécessiter des soins qui ne font pas partie de la liste établie par l’Article R251-3 du Code de l’action sociale et des familles.

En d’autres termes … être en bonne santé au moment de la demande !

L’association ReAGFIR millite activement pour un accès égal aux soins pour toutes et tous – DR

Souvent” poursuit le médecin “les personnes exilées ne sont pas en excellente santé eu égard à leur parcours. Les pathologies les plus courantes sont des psychotraumatismes liés d’une part au parcours migratoire, d’autre part à ce qui au vécu qui a donné naissance à ce parcours. Sur l’ensemble de la population migrant dans notre pays, ce sont environ 10 % qui le font pour des motifs médicaux. Et sur ce – faible – pourcentage, seuls 66 % bénéficient de l’aide médicale d’état. »

L’étude de l’IRDES de décembre 2023 (https://www.irdes.fr/recherche/questions-d-economie-de-la-sante/284-une-analyse-des-consommations-de-soins-de-ville-des-personnes-couvertes-par-l-aide-medicale-de-l-etat.pdf) est particulièrement révélatrice d’une situation dans laquelle les malades dépositaires de cette aide ne sont pas de surconsommateurs de soins ni de médicaments. La fameuse “Carte vitale qui fait le tour du foyer SONACOTRA” est purement et simplement un mensonge. En 2018, le bénéficiaire de l’AME a “coûté” en moyenne 1.138,8 € là où le bénéficiaire de la Complémentaire santé solidaire non contributive (CSS-NC) a fait dépenser 1.219,1 € au budget de la France. Soit un total, pour l’année 2022, d’environ 1.2 Milliards d’Euros, sur un budget, rappelons-le, de 221,6 milliards d’euros. C’est donc environ 0,5 % du budget de la sécurité sociale universelle qui est consacrée à celles et ceux qui, après avoir fui guerres, famines, persécutions et tortures sont venus trouver refuge en France.

Le passage d’une aide médicale d’état à une aide médicale d’urgence restreindra les possibilités à ces patients de bénéficier d’un suivi médical absolument nécessaire à la mise sur pied d’une démarche de santé globale”. D’autant que rien dans le projet de loi ne prévoit que les consultations de médecine générale ne soient couvertes. “C’est un service minimum de santé qui est mis en place, foulant du pied le principe égalitaire d’accès aux soins et cantonnant celles et ceux qui n’ont pas ce bénéfice aux urgences des hôpitaux, déjà saturées” poursuit le Dr Mathilde Chouquet.

Dit plus simplement, les consultations pour des pathologies bénignes ne seront plus prises en charge, ce sont donc autant de foyers d’infections qui vont s’installer dans les conditions de salubrité déjà déplorables qui font le lit des personnes exilées en France.

Le message passé est fortement négatif” poursuit le Docteur “Pour les gens pauvres même Français qui pourraient eux aussi se voir, à terme, embarqués dans la lame de fond que constituerait ce passage de l’AME à l’AMU.

Que faire alors ? D’abord, ne pas céder aux sirènes des économies faciles, car c’est de cela qu’il s’agit. Ensuite, contacter nos députés pour leur rappeler les principes de Léon Blum et de 1936 puis ceux du Conseil national de la Résistance de créer un pays fait de solidarités et de bienveillance, pour toutes et tous.

Vous avez dit médecine à deux vitesses ?

Inédit en Europe, l’Espagne vers un « congé menstruel »

Le gouvernement de gauche espagnol a présenté un projet de loi créant un « congé menstruel » pour les femmes souffrant de règles douloureuses, une première en Europe.

Le gouvernement de coalition dirigé par le Premier ministre Pedro Sánchez (parti socialiste) a présenté ce 17 mai un projet de loi en ce sens en conseil des ministres avec la volonté de lever un « tabou ».

« Nous allons être le premier pays d’Europe à instaurer un arrêt maladie temporaire financé intégralement par l’État pour des règles douloureuses et invalidantes », s’est félicité la ministre de l’Egalité, Irene Montero, à l’issue du Conseil des ministres.

Irene Montero Photographer: Gabriel Bouys/AFP/Getty Images

« Les règles ne seront plus taboues (..) C’en est fini d’aller au travail avec des douleurs » ou en « se gavant de comprimés » et « de cacher notre douleur », a ajouté la ministre, l’une des chefs de file du parti de gauche radicale Podemos, partenaire du parti socialiste du Premier ministre Pedro Sánchez au sein du gouvernement de coalition.

« Nous avançons en matière de féminisme. Les femmes doivent pouvoir décider librement de leurs vies », a salué Pedro Sánchez sur Twitter en référence à un projet de loi qui renforce par ailleurs le droit à l’avortement dans le pays.

En France, comme au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, quelques entreprises accordent un tel « congé menstruel » à leurs salariées mais il n’est pas inscrit dans la loi.

En Espagne, la mesure a toutefois suscité des réticences au sein même de l’exécutif, parmi les ministres socialistes, mais aussi au sein des syndicats.

« Il faut faire attention avec ce type de décision », avait mis en garde vendredi la secrétaire générale adjointe de l’UGT, l’un des deux principaux syndicats espagnols, Cristina Antoñanzas, en se disant inquiète vis-à-vis d’un possible frein à l’embauche des femmes de la part d’employeurs voulant éviter ces absences.

Une analyse réfutée par Commissions ouvrières (CCOO), l’autre grand syndicat espagnol, qui a salué une « avancée législative » majeure, de nature à « rendre visible et reconnaître un problème de santé jusqu’à présent ignoré ».

Le texte du gouvernement prévoit aussi un renforcement de l’éducation sexuelle dans les écoles ainsi que la distribution gratuite de moyens contraceptifs ou de produits d’hygiène menstruelle dans les lycées.

La ministre de l’Égalité était aussi favorable à une réduction de la TVA sur les produits d’hygiène menstruelle, de 10% à 4%, mais cette mesure n’a pas été retenue.

L’Espagne est un pays considéré comme l’un des pionniers en Europe en matière de féminisme depuis l’adoption en 2004 d’une loi sur les violences de genre. Se revendiquant féministe, le gouvernement Sánchez compte plus de femmes (14) que d’hommes (9 en incluant le Premier ministre).

© 2022 AFP

Une femme sur deux, se dit favorable à la création d’un délit de non-partage des tâches domestiques.

Le 22 mars 2022, lorsque Sandrine Rousseau, figure du parti EELV, a confié à l’occasion d’une interview vouloir créer un délit de « non-partage des tâches domestiques », elle avait été la risée des réseaux sociaux et avait subi moqueries et insultes en cascades.

Elle avait précisé à l’époque que « le privé c’est le politique » et que l’égalité entre les femmes et les hommes devait être absolue.


Or d’après une étude révélées ce mercredi par Le Parisien, une femme sur deux (et 44% des hommes) adhère à une telle mesure. En effet, cette étude Ifop pour Consolab inspirée par la question soulevée par Sandrine Rousseau – réalisée du 28 au 31 mars précisément – révèle que les Françaises sont nombreuses à ne pas trouver absurde cette idée de sanctionner leur conjoint qui ne participe pas à leur hauteur aux tâches du foyer.

L’enquête constate, avant tout, que 57% des femmes en couple avec un homme estiment « en faire plus que leur conjoint » à la maison, tandis que seulement 16% des interrogés masculins pensent, à l’inverse, être plus investi que leur compagne.

Les femmes sont même 31% à considérer en faire « beaucoup plus que leur conjoint ». Un pourcentage à la baisse, car elles étaient 45% à estimer cela en 2015, il y a sept ans.

Face à cette inégale répartition de la charge mentale quotidienne – ménage, courses, soins aux enfants -, 50% des Françaises, soit une femme sur deux, soutiennent la proposition de Sandrine Rousseau et se disent favorables à la création d’un délit de non-partage des tâches domestiques. 

Une idée qui plaît donc en théorie, mais qui reste mitigée face à la pratique. En effet, seulement 14% des Françaises se sont dites vraiment prêtes à porter plainte contre leur conjoint.