Nous diffusons aujourd’hui la lettre ouverte au gouvernement pour évoquer le sort des enfants orphelins de mères suite à un féminicide dont l’association Brillante éditrice de Brillante magazine est signataire.
LETTRE OUVERTE AU GOUVERNEMENT
CO-SIGNEE PAR L’ASSOCIATION DES FAMILLES DE VICTIMES DE FEMINICIDES
Autres associations signataires
FEMMESSOLIDAIRES–AFVF–LESMALTRAITANCESMOIJ’ENPARLE–SAME42–LES FOULEES DU SOURIRE – BE BRAVE France – ASPIRE UNE VIE UN TOI – PREVENIR ET PROTEGER – ASSOCIATION BRILLANTE – LES MAMANS DU CIEL – MOTS ET MAUX DE FEMMES – LA MAIN SUR LE CŒUR – DONNE DI CORSICA – ELIEN REBIRTH – PROTEGER L’ENFANT –
Familles FNVF
Nathalie ROBERT – Alexia BERNISSON – Nathalie ZUCCO – Aurélia ROBERT – Gregory BERNISSON- Marina DIAS – Victoria LOPEZ – Elie DAOUD – Adélina CARINE – Patricia LEGRAND – Régis LEGRAND Laeticia MALASSINET – Laeticia BOITTE – Catherine BARGUE
Personnes engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants
SABINE SALMON PRESIDENTE FEMMES SOLIDAIRES -NATHALIE TOMASINI AVOCATE – PAULINE RONGIER AVOCATE- FLORENCE TOROLLION AUTRICE – ARNAUD GERVAIS PRESIDENT ASPIRE UNE VIE UN TOIT – KATHYA DE BRINON FONDATRICE DE SOS VIOLENFANCE – STEPHANE CARCHON-VERIER COORDINATEUR MOTS ET MAUX DE FEMMES – GAELLE MONOT ELUE MUNICIPALE ET AGGLOMERATION VILLE DE BREST – LYDIE DRAME JOURNALISTE – LAETITZIA CONSTANTINI PRESIDENTE DONNE DI CORSICA – FLORENCE ELIE PRESIDENTE ELIEN REBIRTH – ELISA CAMBOU DIRECTRICE ADMINISTRATIVE ELIEN REBIRTH – JESSICA STEPHAN COORDINATRICE VIF AFVF – DELPHINE HERROU PHOTOGRAPHE – ARNAUD GALLAIS CO-FONDATEUR PREVENIR & PROTEGER – PAULINE BOURGOIN MEMBRE DE WE TOO CHILD ABUSE – NATHALIECOUGNY PRESIDENTE DE LES MATRAITANCES MOI J’EN PARLE – LAETICIA LANDRUFONDATRICE LA MAIN SUR LE CŒUR – MELANY BODY ILLUSTRATRICE.
Rennes, Le 8 Février 2023,
Monsieur le Président
Madame Elisabeth BORNE 1ère Ministre
Madame Charlotte CAUBEL Secrétaire d’état en charge de l’enfance
Madame Isabelle ROME Ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes
Mesdames les chargées de mission parlementaire pour le traitement des Violences intra-familiales
Madame Dominique VERIEN Madame Emilie CHANDLER
Mesdames les responsables de la délégation des enfants de l’AN
Madame Perrine GOULET Madame Maud PETIT
Mme Isabelle SANTIAGO
Au nom des familles de la FNVF et AFVF que nous représentons, nous nous adressons à vous pour évoquer le sort des enfants orphelins de mère suite à un féminicide. Chaque jour, nous sommes confrontés au désarroi des familles ayant perdu leur proche.
Celles-ci doivent faire face en un temps record à une multitude d’obligations. A ce terrible traumatisme s’ajoute la complexité de la machine judiciaire qui s’enclenche auxquelles elles ne sont pas préparées.
En 2022 selon le recensement de la FNVF
* 110 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. 70 d’entre elles étaient mère.
* 143 enfants sont devenus orphelins
Selon l’étude nationale des Morts violentes dans le couple, entre 2019 et 2022
* 446 enfants sont devenus orphelins suite au féminicide de leur mère.
Il s’agit là d’un phénomène sociétal. Quel sera l’avenir de ces enfants à long terme ? Comment accompagner les proches chargés de leur éducation ?
Nous souhaitons que l’état puisse s’engager pleinement dans la prise en charge de ces enfants
orphelins qui seront les adultes de demain.
En 2017 la mère de Louane a été assassinée par son père, elle n’avait que 6 ans. Le père de la fillette de 9 ans, condamné à 30 ans de réclusion criminelle, n’a pas perdu l’autorité
parentale et pourrait demander à la voir en prison. Elle a été placée chez ses grands- parents provisoirement sur décision de justice.
En 2018 Marie DB mère de 5 enfants dont des triplés âgés de 9 mois a été tuée par son ex- compagnon. Sur décision du juge les plus petits ont été placés dans 3 familles d’accueil différentes à 200 kms du domicile de la famille maternelle et de leurs frère et sœur. Une démarche de rapprochement familial a été demandée sans succès par la tante et nièce de Marie.
Johanna était assassinée de 51 coups de couteaux devant sa petite fille âgée de 3 ans et demi.
En 2019 La vie de Léa a basculé lorsqu’elle avait 20 ans. La jeune femme a été témoin du meurtre de sa mère, tuée à coups de couteau par son compagnon, puis s’est retrouvée seule, démunie et sans accompagnement.
En avril 2022, Marie décède poignardée par son ex-compagnon devant ses deux petites filles mineures. Elle était mère de 4 enfants.
En mai 2022, Nathalie a été tué par son ex-compagnon. Elle laisse derrière elle 4 enfants mineurs. Sa sœur est désignée tiers de confiance pour s’occuper de ses neveux. Elle a elle- même 2 enfants. Un tsunami après la mort de leur proche pour cette famille qui du jour au lendemain doit changer d’appartement avec 6 enfants à charge.
En juillet 2022, Victor se retrouve seul avec son frère et sa sœur mineurs placés par
l’ASE. Il n’a que 22 ans. Son père a tué sa mère et s’est ensuite suicidé.
Comment grandir, se reconstruire, lorsque papa est en prison pour avoir tué maman ? Chaque année, des centaines d’enfants sont confrontés à ce drame. Ils sont les victimes silencieuses des féminicides. Le quotidien de ces enfants a été décrit dans un documentaire produit par France TV en collaboration avec la FNVF. Que deviennent-ils après un tel cataclysme ? « C’est le juge des enfants qui en décide. Ils peuvent être confiés à des oncles, tantes ou grands-parents, ou bien, si aucun parent proche ne se propose, à l’ASE », l’aide sociale à l’enfance. Certains d’entre eux sont placés dans des foyers faute d’avoir selon les département suffisamment de familles d’accueil disponibles. Cela est une double peine pour ces enfants.
Nous pouvons considérer les pouvoirs publiques redevables envers ces innocents avec plus de :
* 700 victimes de féminicides depuis 2017
* 111 orphelins par an en moyenne soit 555 enfants ayant perdu leur mère
Un certain nombre de ces féminicides auraient pu être évités. Selon le rapport du ministère
de l’intérieur le nombre de féminicides a augmenté de 20% en 2021 avec :
* 122 femmes tuées par leur conjoint ou ex.
* 25% des auteurs étaient déjà connus par la justice
* 32% des victimes avaient déjà subi des violences antérieures parmi elles 25 victimes avaient déjà déposé plainte.
Dans ce contexte, la nation a une responsabilité dans la prise en charge des orphelins et des familles impactées suite au décès de leur proche. Il nous semble indispensable que les enfants suite au meurtre de leur mère dans le cadre d’un féminicide puissentbénéficier des mêmes dispositions d’aide et d’accompagnement que les victimesde terrorisme.
Le statut de pupille de la nation prévoit la prise en charge des enfants dont les parents ont été victimes de terrorisme.
* L’attentat du 11 novembre 2015 a fait 130 morts
* L’attentant de Nice en 2016 a fait 86 morts.
Chaque famille ayant perdu leur proche suite à ces derniers attentats ont pu solliciter
l’adoption par la nation des enfants désormais devenus orphelins de mère ou de père, voire les deux. Les enfants de féminicide à défaut d’avoir une tante, un oncle ou des grands-parents pouvant les recueillir sont généralement placés par l’aide sociale à l’enfance.
Le quinzième rapport au parlement et au gouvernement de l’observatoire national de la protection de l’enfance en septembre 2021, précise qu’au 31/12/2019 :
312 500 mineurs et 24 700 majeurs ont été suivis en protection de l’enfance pour un budget de 8.56 milliards environ qui est plus élevé que le PIB de certains pays, pourtant le ministère de la santé et de la prévention indiquait en 2019 :
* Que 70% des jeunes placés à l’Ase n’ont aucun diplôme
* 15.8% de ces jeunes ne sont plus scolarisés à 16 ans.
Ces chiffres interpellent indubitablement.
Car même si la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants dite loi Adrien Taquet interdit d’ici 2024 le placement à l’hôtel des mineurs, cela pose tout de même question. Combien d’enfants placés sont encore aujourd’hui hébergés dans des hôtels en attendant un place dans des structures d’accueil adaptées.
Dans le cadre de l’intérêt supérieur de l’enfant est-il acceptable ou éthique que les institutions censées les protéger aient eu cette approche contestable ? au global (faits rapportés dans le rapport de 2019 de la Fondation Abbé Pierre sur le mal logement)
Les anciens enfants placés en protection de l’enfance représentent :
* 36% des jeunes SDF de moins de 25 ans et 26% des SDF au total
Dès lors nous demandons que les orphelins de féminicides puissent bénéficier au même titre que les victimes de guerre ou d’attentat du statut de pupille de la nation beaucoup plus sécurisant par la protection de l’ONACVG établissement public sous tutelle du ministère des armées qui pourrait assurer leur avenir en leur proposant
En matière d’entretien et d’éducation en complément des aides du droit commun (allocations familiales, bourses d’études) et chaque fois que la situation le requiert des subventions aux pupilles de la Nation Subventions d’entretien destinées à assurer lesbesoins de base de l’enfant (garde, habillement, nourriture, loisirs) versées si nécessaire dèsla naissance.
Subventions pour frais de maladie, de cure, de soins médicaux en complément des prestations de la sécurité sociale et de l’aide médicale gratuite (prise en charge des frais d’optique, de traitements d’orthodontie etc…)
Subventions de vacances
Subventions d’études qui peuvent être renouvelées jusqu’au terme des études supérieures dès lors qu’elles sont entreprises avant 21 ans. A cet égard, il faut souligner que les pupilles de la Nation sont, de plein droit, exonérés du paiement des droits de scolarité dans les universités
Subventions pour les projets des pupilles entrés dans la vie active avant 21 ans.
En matière d’emploi :
Subventions d’aide à la recherche d’un premier emploi
Octroi par l’ONaCVG de prêts d’installation professionnelle, cumulables avec des prêts de première installation. Sans intérêt, remboursables sur des délais pouvant couvrir 3 années, avec une franchise de 3 mois, ces prêts de 3.000 euros permettent de favoriser une installation professionnelle
Les Pupilles et les orphelins de guerre, quel que soit leur âge, bénéficient du recrutement par la voie des emplois réservés dans les administrations, les collectivités locales, les établissements publics qui leur sont rattachés et les hôpitaux publics
Les orphelins de guerre âgés de moins de 21 ans bénéficient de l’obligation faite aux employeurs de droit public ou privé occupant au moins vingt salariés de compter, dans la proportion de 6 % de l’effectif total, des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés.
En matière de fiscalité :
Tous les actes ou pièces ayant exclusivement pour objet la protection des pupilles de la Nation sont dispensés du timbre. Ils doivent être enregistrés gratuitement s’ils sont soumis à cette formalité ;
Lorsque les pupilles de la Nation ont été adoptés par une personne physique, les transmissions à titre gratuit (dons et legs) faites en leur faveur par l’adoptant bénéficient des droits applicables en ligne directe et de l’abattement prévu à l’article 779 du code général des impôts, même en cas d’adoption simple
De même, les dons et legs consentis aux pupilles de la Nation bénéficient du régime fiscal des mutations à titre gratuit en ligne directe lorsque le donateur ou le défunt a pourvu à leur entretien pendant cinq ans au moins au cours de leur minorité.
Les successions des personnes décédées du fait d’actes de terrorisme ou des conséquences directes de ces actes dans un délai de trois ans à compter de ceux-ci, ou de faits de guerre dans un délai de trois ans après la cessation des hostilités ou le fait générateur du droit, sont exonérées des droits de mutation.
Les orphelins de guerre et les pupilles de la Nation devenus adultes demeurent à vie ressortissants de l’ONACVG et continuent à bénéficier du soutien moral et matériel de l’Office à l’instar de l’ensemble de ses ressortissants.
Les orphelins de féminicides après avoir perdu leur mère et ou assisté au meurtre de celle-ci doivent pouvoir bénéficier du statut de pupille de la nation. Les proches chargés de leur éducation devraient pouvoir obtenir la possibilité de saisir l’ONACVG et d’être accompagnés sur la durée au même titre que les veufs ou veuves de guerre ou d’attentat.
Nous souhaitons pouvoir être entendus sur ce sujet essentiel et nous nous tenons à votre disposition pour échanger et collaborer sur la possibilité de travailler sur une proposition de loi visant à offrir aux orphelins de féminicides un futur rempli d’espoir. N’oublions jamais que ces enfants seront les adultes de demain.
Quand la réalité dépasse la fiction. Être quitté par sa femme n’est jamais acceptable pour certains hommes.
On se croirait dans un film. Ces événements-là, ne se passent que dans des séries policières, pensons-nous. Pourtant, certaines femmes les vivent dès lors qu’elles décident de se séparer, parfois même d’un commun accord, de leur conjoint violent, manipulateur voire incesteur. Car, au pays des droits de l’homme, dans une culture où le père, l’aîné, le présentateur télé vedette a tout pouvoir sur la mère, le cadet, la jeune journaliste, être séparé de « sa » femme n’est pas acceptable, pour certains, même en 2022. Il n’est qu’à consulter les chiffres pour s’en convaincre. À l’heure où nous écrivons, ce 22 mai, ce sont 54 femmes qui ont été tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint. À la fin de l’année, si nous comptons bien, elles seront près de 135, si rien ne change.
Mais place à ce que beaucoup imaginent être de la fiction.
Propos recueillis par Élodie Torrente
Ça se passe près de chez vous : l’histoire de Claire
« J’avais pour projet de la tuer, de l’enfermer dans le coffre et de déposer le camion à la casse, direction le compacteur. »
Claire1, 45 ans, mère de deux enfants nous raconte. Il y a plusieurs années de cela, alors qu’elle avait décidé avec son compagnon et père de ses jeunes enfants, Justine* 4 ans et Lucas* 2 ans, une séparation avec garde à la mère et droit de visite d’un week-end sur deux au père, Claire, après avoir été empoissonnée durant leur dernière année de vie commune, subit plusieurs agressions. Mais c’est dans la période de son déménagement, bientôt libre, qu’elle va être victime d’une tentative de meurtre. Engagée sur un rond-point, ce jour-là, elle est bloquée par une camionnette conduite par un inconnu qui en descend et la menace avec un démonte-pneu. Elle esquive les coups et parce qu’une automobiliste arrivée sur les lieux s’arrête et prend sa défense, l’inconnu range son arme et déguerpit. Grâce aux caméras qui surveillent l’endroit et au casier judiciaire déjà fourni, l’homme est identifié par la victime dans les fichiers de la Police Nationale. Malgré cette identification, les forces de l’ordre ne le retrouveront que des mois plus tard. Peut-être parce que le futur ex-conjoint de Claire, à la suite de l’agression et du dépôt de plainte, a surpris sa compagne disant lors d’une conversation téléphonique qu’elle avait reconnu l’agresseur sur les photos présentées par les policiers ? En tout cas, le lendemain de cet échange, le coupable avait quitté la ville et même la région. Il sera retrouvé pour d’autres faits bien plus tard et à des centaines de kilomètres du domicile de Claire. Il dira dans sa déposition : « J’avais pour projet de la tuer, de l’enfermer dans le coffre et de déposer le camion à la casse, direction le compacteur. » Autant dire que si son funeste dessein avait été mené à son terme, Claire n’aurait jamais été retrouvée. L’homme qui ne dévoilera pas son mobile sera condamné par la justice à 400 € de dommages et intérêts (sur les 4 000 € demandés), à quatre mois de prison ferme assortis de cinq ans de sursis. Quand on vous dit que la vie d’une femme ne vaut pas grande chose.
Une séparation difficile mais pas impossible
Claire en réchappe et parvient à se séparer malgré le comportement douteux de son ex-compagnon qui, du temps de leur vie commune avait demandé à une conseillère conjugale d’écrire une lettre destinée à interner celle qu’il disait vouloir garder auprès de lui. Au passage, monsieur vole ses économies à Claire, écrit des faux, ne respecte pas les modalités de garde des enfants. Malgré ces actes délictueux, la justice par le biais du juge aux affaires familiales oblige le maintien d’une garde à 50 % du temps pour chaque parent. Claire obtempère. Après tout, elle ne veut plus vivre avec lui mais il est le père. Il n’a jamais été question pour elle de l’empêcher de voir leurs enfants. Pour cette cadre supérieure, si le couple marital ne peut plus exister, le couple parental est légitime et primordial pour assurer le bon développement des enfants.
Un père violent, des alliés de poids
Mais un jour, tandis qu’il vient chercher Justine à l’école, la petite fille refuse de le suivre. Il l’insulte, la tire par les bras, les cheveux, l’enfant hurle, supplie devant tous et toutes, qui n’interviennent pas en dehors d’une conductrice qui tente de le calmer. Le père s’en prend alors à Claire en la frappant sur le haut du corps. Certaines mères de famille présentes à cette heure de sortie des classes tentent de faire entendre raison à ce père violent. La directrice de l’école qui assiste à la scène reste de marbre, comme si cette violence devant les enfants ne la concernait pas. La mère réussit à partir avec Justine et Lucas, traumatisés. Elle portera plainte. Pour prouver ses dires, Claire demandera les vidéos puisqu’une caméra, dirigée vers le parking, est installée sur le fronton de l’établissement. L’école, en la personne de sa responsable, refusera prétextant qu’elle était en panne le jour de l’altercation. Or, quand la plaignante demande à la mairie s’il est vrai que la caméra en question était hors-service, l’administration rétorquera que son matériel de vidéosurveillance est en bon état de fonctionnement dans toute la ville. La plainte de Claire sera classée sans suite.
Sabotages, usage de faux et défaut de pension alimentaire : isoler sa proie
Les sabotages de la voiture de Claire, de sa boîte à lettres avec vol de courrier, la violence envers les enfants, une fois la garde complète des Lucas et Justine en poche, imposent à la mère de famille de s’éloigner de son ex-conjoint à des centaines de kilomètres. Elle inscrit donc ses enfants dans l’école située dans sa nouvelle ville mais c’est sans compter sur l’ancienne directrice qui vraisemblablement a pris fait et cause pour le père et appelle son homologue pour que cette inscription soit refusée. Claire prouve par décision de justice qu’elle a bien la garde de ses enfants. Le nouvel établissement accepte Justine et Lucas. De son côté, le père paye la pension quand il en a le temps mais, même si elle ne travaille qu’à mi-temps, Claire est heureuse de voir ses enfants s’épanouir dans leur nouvelle vie. Elle ne l’attaque pas pour défaut de paiement de pension alimentaire. Les enfants sont en sécurité, se dit-elle, c’est le principal. Pourtant…
« Moi, j’aime pas quand on m’embrasse les fesses et après la bouche. »
Au retour des vacances de Noël 2 019 passées chez leur père, l’institutrice convoque la mère. Elle s’interroge. Le comportement des enfants est très différent depuis la rentrée. Inquiète, Claire les amène en consultation chez un psychologue, comme elle l’avait fait par le passé pour Justine, alors âgée de quatre ans et insomniaque. Là, le petit Lucas dessine des fesses et
déclare : « Moi, j’aime pas quand on m’embrasse les fesses et après la bouche. » À la fin de cette séance, il refuse de donner son dessin, fait une crise et part en courant. Quand Claire l’interroge plus tard, il confie : « Chez papa, je regarde des films d’horreur, il fait froid chez lui, il m’oblige à dormir tout nu. » Claire s’inquiète de ces déclarations mais sait qu’en vivant chez elle à plein temps, son fils est protégé.
« C’est là que le piège s’est refermé sur moi. Là, j’ai été fichée dès l’appel. ».
Des semaines plus tard, alors qu’ils sont chez leur père pour les vacances, les enfants appellent Claire. Au téléphone, après que la mère lui a demandé si ça va, Lucas répond : « Ben papa m’a mis le zizi sur le visage. » Sur cette déclaration, elle entend son ex-conjoint derrière l’enfant crier « Tais-toi, tais-toi ! » puis le silence d’un appel raccroché brutalement. La mère rappelle, très inquiète. Elle demande des précisions à Lucas qui redit : « Papa me met ses fesses sur le visage. » Le père arrache alors le téléphone, insulte la mère. Claire en parle à son entourage qui lui conseille de contacter le 119. Elle nous dira à ce moment de son récit : « C’est là que le piège s’est refermé sur moi. Là, j’ai été fichée dès l’appel. ». En revanche, malgré son signalement, personne ne la recontacte.
« Lui aussi, on lui a fait ! Il est obligé de le faire à ses enfants car s’il le fait aux autres enfants, les autres parents vont le tuer. »
Trois mois plus tard, tandis qu’elle est avec son fils sur une aire de jeu, Lucas touche le zizi du copain avec qui il jouait. Claire lui ordonne d’arrêter mais il recommence. Lorsqu’elle se lève pour lui dire que ça ne se fait pas, que c’est interdit, l’enfant rétorque, en colère : « Ah bon, alors pourquoi papa il le fait ? » avant de se blottir dans les bras de sa mère et de tout lui raconter. Elle pleure, tremble en pensant à mon fils de cinq ans tout seul aux mains de ce prédateur, nous confiera-t-elle le souffle coupé par l’émotion toujours aussi vive des années après. Plus tard, ahurie par les déclarations de son fils, elle va trouver sa fille, la jeune Justine qui n’ose pas parler et prend la défense de son père. « Lui aussi, on lui a fait ! Il est obligé de le faire à ses enfants car s’il le fait aux autres enfants, les autres parents vont le tuer. » Claire comprend alors que ses deux enfants sont victimes d’inceste, que le père parvient à leur faire peur, à les culpabiliser et les oblige ainsi à se taire. Claire est perdue. Elle ne sait pas à qui confier ces horreurs car malgré ses appels au 119, personne ne l’a rappelée.
Une plainte mais pas deux
Elle téléphone au commissariat dont un des agents lui demande de venir en urgence. Elle s’y rend accompagnée de son fils. Une audition Mélanie2 est décidée. Mais les moyens donnés à la police étant ce qu’ils sont, Lucas sera entendu par des hommes, des policiers en civil, aucun jouet ne lui sera prêté et l’interrogatoire sera très rude pour l’enfant. Quant à Justine, le lendemain, pourtant prête à tout dire, elle n’aura pas l’occasion de parler. Les policiers refusent la présence de Claire à ses côtés pendant l’audition. La petite, apeurée par les menaces de son père, ne veut pas déposer sans sa mère. Claire voit, de la part des forces de
l’ordre, un moyen d’éviter un second dépôt de plainte. Dès la fin de la déposition de Lucas, les policiers conseillent fortement à Claire de ne pas présenter les enfants au père pour les prochaines vacances.
« Ne vous culpabilisez pas, ce n’est pas vous la coupable, c’est lui. »
Les enfants et leur mère sont reçus ensuite, pendant une heure chacun, par un psychologue judiciaire. Dans ce cabinet, Claire se remémore les problèmes de sommeil de Justine, son envie de mourir quand elle avait quatre ans qui l’ont amenée à consulter un psychologue et comprend que les agressions sexuelles ont dû commencer à cette époque où elle vivait encore avec son ex-conjoint qui au même moment la droguait à son insu. Elle s’écroule, culpabilise de n’avoir rien vu et rien fait en dehors du fait d’amener sa fille en consultation dans un CMPP. La psychologue la réconforte : « Ne vous culpabilisez pas, ce n’est pas vous la coupable, c’est lui. Vos enfants vous parlent. C’est rarement le cas. Allez voir un psy, faites tout ce que vous pouvez et coupez tout lien avec ce malade. » Claire décide de suivre ses conseils. Le soir de cet entretien, Justine qui depuis longtemps et à sa demande, dormait avec un slip et une combinaison, s’endort dans son lit chez sa mère torse nu.
En attendant une expertise légale
Même si le 119 ne rappelle jamais Claire malgré plusieurs signalements, lors de son premier appel l’enfance en danger lui indique de demander une expertise chez un médecin légiste. Or, pour qu’un médecin assermenté puisse expertiser une victime, il faut une autorisation de la police et une plainte. Justine n’ayant pas été entendue, l’expertise ne peut avoir lieu. Claire attend donc que l’enquête par suite de la plainte de Lucas mette en examen le père incestueur pour qu’une expertise soit diligentée.
Une ordonnance de conciliation et une mesure d’AEMO
Pendant ce temps, une conciliation est ordonnée entre les deux parents. Le juge aux affaires familiales reconvoque Monsieur et Madame afin de statuer sur les modalités de garde. Claire s’offusque et demande au magistrat pourquoi une telle décision alors que le père est coupable ? La seule réponse qui lui sera faite résidera dans une mesure d’AEMO (Action Éducative en Milieu Ouvert) ordonnée par le juge des enfants à cause de la plainte. Dès lors, au motif qu’il y a un conflit parental, Claire a un droit de visite médiatisée d’une fois par mois tandis que le père se voit octroyer le même droit mais tous les quinze jours. Les enfants sont violés ? Peu importe ! Le principal, c’est de protéger le lien familial, quitte à détruire les enfants à vie.
Le policier dira à la fillette « Faut te défendre, Justine. »
Dès la première séance en milieu ouvert, le gentil papa « pelote » sa fille dans la cour des services sociaux devant tout le monde. Personne n’intervient. Quand Justine le confie le soir à sa mère, l’avocat de Claire conseille de porter plainte. Ce qu’elle fait. Au commissariat, Justine accepte de parler seule. Pour toute réponse à son traumatisme, le policier dira à la fillette « Faut te défendre, Justine. » Comme si une fillette de sept ans pouvait se défendre contre un adulte, son père, cette autorité qu’elle a appris à respecter et qu’elle aime comme tout enfant. À la suite de cette audition, la petite fille libérée s’épanouit chez sa mère. Timide et introvertie depuis toujours, elle intègre même le spectacle de l’école.
« Ne vous inquiétez pas, vous avez la garde, rien ne peut leur arriver. »
Une expertise psychiatrique a enfin lieu. Les enfants racontent, dénoncent pendant vingt minutes chacun. Quand Claire demande ensuite pourquoi le monstre n’est pas en prison, les policiers se veulent rassurants : « Ne vous inquiétez pas, vous avez la garde, rien ne peut leur arriver. » Pourtant, ils ne veulent pas enregistrer les autres preuves. Et le pire arrive.
Quand la mère est jugée aliénante, le père incestueur obtient tout pouvoir
Les mois défilent, l’audience auprès du juge des enfants s’annonce. Le père, absent, est représenté par son avocat. Claire est là, bien décidée à protéger Lucas et Justine de la lourde menace qui pèse sur eux. Mal représentée par un avocat venu en dilettante qui s’est préalablement entendu avec la partie adverse et le juge des enfants, ce conseil, le sien, ne lui octroie que cinq minutes pour lire les conclusions. À son grand désarroi, elle n’en aura pas le temps. La juge des enfants inhabituellement assistée du juge aux affaires familiales invoque l’aliénation parentale dans laquelle Claire se trouverait. Les magistrates la désignent comme une mère histrionique, ce que confirment la partie adverse et les conclusions des expertises diligentées par le juge des affaires familiales. Claire argumente, sort les expertises psychiatriques, les plaintes, les confirmations des enfants. Elle demande un report afin de pouvoir lire les conclusions. Aucune pièce du dossier, aucune demande n’y fait. Les juges en sont convaincus. C’est une mère aliénante, le conflit parental est important, il faut protéger les enfants de cette femme. Claire comprend qu’un piège inimaginable est en train de se refermer sur elle et sur ses enfants.
Des enfants en danger
Le soir même, Claire raconte que « les enfants sentent et ne veulent plus aller à l’école ». Et pour cause. Dans les jours qui suivent, elle est convoquée au commissariat. Le grand-père paternel des enfants a porté plainte contre elle pour diffamation. Coincée à l’hôtel de police pendant deux jours, elle sera ainsi empêchée d’être à l’école en début d’après-midi de ce jeudi-là où, même si le jugement qui donnera la garde au père n’a pas encore été prononcé, il le sera en fin d’après-midi, son ex-conjoint soutenu par les services sociaux et les gendarmes traîne sa fille par terre et récupère son fils. Prévenue par l’appel téléphonique d’une maman, Claire arrive en urgence. Justine supplie sa mère de la protéger. Les forces de l’ordre la somment de ne pas intervenir sinon ils l’arrêtent. Claire essaye de faire bonne figure pour ne pas stresser ses enfants encore plus et notamment Justine qui hurle encore et toujours qu’elle ne veut pas y aller. Entourée par les services de l’État censés les protéger, contrainte et forcée, elle laisse partir Lucas et Justine avec le père, ce pédocriminel qui, grâce aux dysfonctionnements et à l’aveuglement de la Justice, pourra « jouir » dans ses enfants en toute impunité.
Deux ans plus tard
Malgré l’enquête de la police qui démontre que le père est coupable, le juge aux affaires familiales refuse d’entendre et laisse les enfants au père. Depuis plus de deux ans, il a la garde complète. Claire est en attente d’une nouvelle date d’audience avec le juge aux affaires familiales. Depuis le printemps 2021, elle n’a droit qu’à une visite médiatisée par mois d’une durée de deux heures. Punie pour avoir été soutenue par un collectif de maman sur Internet, sans en être à l’origine, elle fait 1 200 kilomètres aller-retour pour voir ses enfants deux
petites heures par mois. L’enquête de viol a été classée sans suite. Elle est condamnée à ne pas porter plainte de nouveau malgré l’inceste à répétition sur ses enfants car à la dernière audience, le juge aux affaires familiales a été très clair : «J’espère que vous stoppez la plainte sinon vous ne reverrez jamais plus vos enfants. »
Et les enfants maintenant ?
Lors des premières visites médiatisées, Lucas et Justine, âgés maintenant et respectivement de 9 et 11 ans, étaient très fermés, absents, comme s’ils étaient ailleurs. Claire les décrit comme s’il n’y avait plus aucune étincelle de vie dans leurs yeux, ressemblant à des robots. Progressivement, au fur et à mesure des visites, ils se sont ouverts à leur mère, ont été plus dans le contact. Justine semble recouvrir une certaine humanité, de la complicité et vouloir se confier de nouveau à Claire. Depuis l’âge de huit ans, elle est consciente que sa mère est punie pour avoir voulu les protéger tandis que Lucas, plus petit, sous emprise du père et de l’ex-belle famille, pense que sa mère a fait quelque chose de mal. L’inceste et la violence du père sont des sujets tabous entre la mère et les enfants. À chaque entretien, Lucas et Justine demandent toutes les cinq minutes combien de temps il leur reste encore ensemble à cette séance, ils sont collés à elle et quand elle repart, contrainte et forcée, elle sent une tristesse horrible les envahir tous les trois.
D’une ordonnance de protection à la perte de la garde : le cas de Marie et de ses trois enfants
Propos recueillis par Élodie Torrente Coarasa
Marie est une maman de trois garçons âgés respectivement de 3, 7 et 10 ans au moment des faits. Cette mère de famille qui a souhaité se séparer de son conjoint qu’elle estime « manipulateur » à la suite de violences psychologique et sexuelle, nous raconte le même genre d’histoire, tentatives d’empoisonnement et de meurtre en moins.
Une information préoccupante et une ordonnance de protection
Tout commence quand Gabin*, l’aîné de Marie, confie à son institutrice qu’il est victime d’inceste de la part de son père. À la suite de cette déclaration en milieu scolaire, une information préoccupante est lancée. Deux semaines plus tard, le juge des enfants est saisi. Il n’en faut pas plus au père pour qu’il prenne ses affaires et quitte, sans l’annoncer, le domicile conjugal. Marie se retrouve seule avec ses trois fils. Aussitôt alerté, le juge aux affaires familiales prononce une ordonnance de protection. Le père redevient gentil, se calme, la mère qui a peur de lui et de ses couteaux dont il fait la collection, arrange les choses, lui laisse récupérer ses affaires et voir les enfants.
Mais une mesure d’AEMO malgré tout
Comme le juge aux affaires familiales, alerté par le juge des enfants, estime ces derniers sont en danger au contact du père et que la mère doit être aidée, une mesure d’AEMO (Assistance Educative en Milieu Ouvert) est fixée. Une expertise psychologique est réalisée chez les deux parents. La conclusion des experts montre que les enfants sont en danger chez le père et chez la mère, que ces derniers devraient gérer le conflit parental dans l’intérêt des enfants, ce en quoi la mesure AEMO devrait les aider. À ce stade de la procédure, l’ordonnance de protection censée protéger Marie et ses enfants de cet ex-conjoint violent et incesteur semble être déjà tombée dans les oubliettes.
Un père qui se victimise
Lors d’une rencontre avec une psychologue intervenant dans le cadre d’une AEMO, Marie confie que son ex-conjoint boit beaucoup d’alcool, qu’elle en a peur notamment parce qu’il est addict aux couteaux. Le père déclare de son côté qu’il est une victime de sa conjointe, qu’elle est perverse, violente et manipulatrice, qu’elle frappe les enfants. Les enfants sont entendus. Ils déclarent : « Tout va bien chez papa et y a juste une fois où il nous a frappés et c’est à cause de maman parce qu’elle ne faisait pas assez à manger, pas bien les courses. » Si l’expert relève chez la mère un stress post-traumatique et une discordance émotionnelle, le père pleure beaucoup pendant la séance ce qui lui vaudra d’être considéré dans le rapport comme la victime alors qu’il a surtout dit qu’il était la victime sans en apporter la preuve. Cette expertise sera systématiquement reprise tout au long de la procédure.
Un éducateur malveillant envers la mère protectrice
L’AEMO induit également la présence d’un éducateur qui vient chez Marie toutes les semaines ; le professionnel la menace de rapport contre elle dès qu’elle parle des violences qu’elle a subies. Un jour, il la convoque dans son bureau afin de lui ordonner une médiation en lui signifiant bien que si elle refuse, son rapport sera en sa défaveur. Malgré la menace, elle refuse la médiation car elle sait d’avance que ça n’aboutira à rien avec ce conjoint manipulateur et violent. Après tout, elle bénéficie d’une ordonnance de protection.
La garde complète accordée au père incesteur
Tandis qu’elle a la visite régulière des services de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance), le père qui vit à l’autre bout de la France ne sera convoqué par une éducatrice que deux fois en un an. Une année, cette année-là, c’est le laps de temps qu’il faudra pour être convoqué par le juge des enfants. Pour cette rencontre, l’éducateur en charge de la mère rédige un rapport mitigé où il évoque le conflit parental duquel elle ne serait pas sortie. Le père de son côté réclame la garde. L’avocate de Marie rappelle l’ordonnance de protection. Pourtant, le juge statue. La garde complète est octroyée au père avec un droit de visite d’un week-end sur deux à la mère qui vit à plusieurs centaines de kilomètres de là. Marie fait appel de la décision. Malgré les violences, les alertes de l’école, les juges confirment le conflit parental et au prétexte de ne pas redéplacer les enfants, ordonnent une médiation.
Des coups et blessures constatés sur le plus jeune des enfants
Puis, lors d’un week-end, Marie constate que Paul *, le plus jeune, âgé de 5 ans et demi, est très violent avec elle. Au début, elle en parle aux éducateurs mais comme ils invoquent encore et toujours le conflit parental, elle finit par se taire. À la fin de cette année-là, le même enfant arrive chez sa mère pour le week-end couvert d’hématomes de la tête aux pieds. Paul dénonce son père, ses frères aînés qui le frappent. Le lendemain, Marie contacte SOS Médecin. Un généraliste se déplace. Il faut amener l’enfant à l’hôpital. Paul est vu par trois médecins qui prennent des photos. L’enfant dit, en montrant les différents hématomes : « Là, c’est papa, là c’est Jean*, là c’est Gabin, mes deux grands frères. » Des radios sont prises. Paul reste toute la journée du samedi à l’hôpital. Le dimanche, Marie hésite à ramener l’enfant chez le père. Par peur de ne plus le protéger au moins un week-end sur deux, elle prend la route et le dépose chez le père malgré l’envie de lui éviter d’autres supplices. Personne ne veut la croire depuis le début, il n’y a aucune raison pour que ça change, pense-t-elle.
« Si vous ramenez votre fils au père c’est contre vous que l’on fait une information préoccupante… »
Un mois plus tard, pendant le week-end chez sa mère, quand Marie dit à Paul qu’il rentre le lendemain chez son père, le petit garçon fait une crise de nerfs puis, une fois calmé, lui confie : « Mais maman, papa me touche aussi les fesses et le zizi. » Aussitôt, elle ramène l’enfant à l’hôpital. Des photos sont faites, un rapport psychiatrique est réalisé. Les médecins décident de garder Paul pour la nuit. Quand le lendemain Marie annonce qu’elle doit ramener l’enfant au père, les soignants la menacent : « Si vous ramenez votre fils au père c’est contre vous que l’on fait une information préoccupante pour non-assistance à personneen danger. » Elle garde son fils, soulagée pour lui, bien que stressée par les conséquences. Qui ne tardent pas à venir.
Une plainte pour non-représentation d’enfant : le procureur ordonne à la mère de confier l’enfant au père incestueur.
Le lundi, le père porte plainte pour non-représentation d’enfant. Le mardi, elle reçoit une lettre recommandée du juge dans laquelle est mentionnée la perte de tous ses droits de visite et d’hébergement. Elle va au commissariat avec Paul pour déposer une plainte. L’enfant est entendu dans le cadre d’une audience Mélanie. Le mercredi, l’éducateur lui téléphone en lui ordonnant de ramener l’enfant au père, l’accuse d’avoir mis ces histoires dans la tête de son enfant, qu’elle l’a manipulé, qu’il y a conflit parental. Marie nous confiera à ce propos : « Pourtant je les ai appelés pour qu’il vienne à l’hôpital les deux fois et jamais ils ne se sont déplacés. » Le dimanche suivant de cette semaine très mouvementée, un policier appelle Marie. Elle doit confier l’enfant au père sur ordre du procureur de la République. C’est lors de ce week-end que les deux autres enfants de la fratrie avouent avoir frappé souvent leur frère tout en protégeant le père et en suppliant Marie : « S’il te plaît maman, ne nous ramène pas. » Détruite et angoissée pour eux, elle les dépose chez son ex-conjoint sinon, elle le sait, ils ont tous été très clairs, elle ira en prison.
Comme pour Claire, les services sociaux et la justice sourds aux violences sexuelles et accrochés au conflit parental.
L’hôpital fera trois informations préoccupantes. Les forces de l’ordre ont enregistré les plaintes. Malgré cela, les services sociaux et la justice resteront sourds et accrochés au conflit parental. De fait, pour avoir voulu protéger son fils, Marie passera six mois sans revoir ses fils, qui, pendant trois mois de confinement ont été enfermés avec le père violent et incesteur. En juin, elle aura enfin le droit de les rencontrer en milieu médiatisé, au parloir, comme elle appellera ce lieu froid et surveillé.
« Oui, mais Madame, même si c’est vrai qu’il a dit ça, c’est vous qui avez mis ça dans la tête de vos enfants. ».
Quand elle est de nouveau entendue par le juge des enfants et qu’elle évoque l’inceste, le magistrat lui répond : « Oui, mais Madame, même si c’est vrai qu’il a dit ça, c’est vous qui avez mis ça dans la tête de vos enfants. ». Elle comprend alors qu’il vaut mieux se taire. En milieu médiatisé où elle se rend deux fois, les éducatrices font un rapport en faveur de Marie attestant qu’elle n’est pas dans le conflit parental. Malgré cela, le même juge recommande de placer les enfants pendant les deux mois d’été, loin des parents afin de les éloigner du conflit parental. Il assortit sa recommandation d’une interdiction de tout contact. La voilà « désenfantée ». Fin août, tandis qu’elle espère les retrouver, l’Aide Sociale à l’Enfance téléphone à Marie. Le juge a ordonné un placement d’un an avec droit de visite pour la mère et le père en milieu médiatisé une fois par mois. Marie est punie, toujours au prétexte du conflit parental. La fratrie est séparée. Il faudra attendre un an pour qu’un nouveau juge des enfants en charge de son dossier lève le placement. Dès lors et parce qu’elle ne dénonce plus rien, elle retrouve depuis ses droits petit à petit.
Et les enfants après ça ?
Comme on s’en doute, ils ne vont pas bien. À quinze ans, Gabin l’aîné est en échec scolaire mais d’après l’éducateur c’est parce que l’adolescent n’aime pas l’école et d’ailleurs ce n’est pas grave. Il est violent avec ses deux frères mais respecte sa mère. Jean, le cadet âgé de douze ans est énurétique, très violent à l’école, provoque et insulte les élèves comme ses professeurs malgré de bons résultats scolaires. Dans les escaliers du collège, il dessine des phallus et mime des fellations dès qu’il mange une saucisse. Avec sa mère, il est très protecteur. Quant à Paul, le plus jeune, il ne quitte pas sa mère d’une semelle, hurle toujours quand il faut rentrer chez le père mais d’après les éducatrices c’est parce qu’il est capricieux ; Marie devrait d’ailleurs faire attention à ces caprices. N’empêche, à maintenant huit ans, en pleine période d’élection, Paul a confié l’autre jour à sa mère : « Dans dix ans, je voterai dans ta région. » Preuve qu’à sa majorité, enfin libre, il ne se voit pas vivre à côté de son père.
Une mère condamnée à se taire pour voir ses enfants.
D’ailleurs, les trois garçons ont demandé à résider chez leur mère. Le juge des enfants a refusé une nouvelle fois. Quant au juge aux affaires familiales, malgré la longue lettre écrite par Gabin quand il avait treize ans, la réponse a été négative toujours pour la même raison : c’est la mère qui lui a mis ça dans la tête. Et Marie ? Condamnée à se taire, elle attend que ses fils grandissent, consciente que leur enfance est brisée. Elle n’a pas le choix si elle veut conserver l’autorisation de leur offrir du répit, ne serait-ce qu’un week-end sur deux. Comme beaucoup de mères séparées qui veulent protéger leurs enfants de conjoints violents ou incesteurs, elle est pieds et poings liés par un mythe relayé par la justice, certains experts et les services sociaux : le pseudo-syndrome d’aliénation parentale.
1 Afin de respecter l’anonymat et la sécurité des personnes qui ont accepté de témoigner, nous avons modifié leur prénom et ceux de leurs enfants.
2 Du prénom de la première fillette qui en a bénéficié, cette procédure adaptée aux enfants est menée par des officiers habillés en civil. Elle se tient dans une salle équipée de caméras et de micros pour éviter de devoir entendre une nouvelle fois l’enfant par la suite et, de fait, l’obliger à revivre le traumatisme. Décorée comme une chambre d’enfant, on y trouve des poupées, des puzzles anatomiques afin que les plus jeunes puissent montrer et nommer les parties du corps qu’ils connaissent et ce qu’ils ont subi. Un pédopsychiatre se tient dans une salle de contrôle près de la salle d’audition afin de surveiller et d’interpréter le comportement de l’enfant.
Elles sont des centaines ces mères en lutte dont la seule ambition est de protéger leurs enfants de pères incestueurs. Elles hurlent, dénoncent, portent plainte mais prises au piège du pseudo-syndrome d’aliénation parentale dont la justice les accuse, elles perdent la garde au profit du père violent et incestueur.
Qu’elles s’appellent Sandrine, Latifa, Joëlle, Claire ou Marie1, toutes racontent un parcours impossible pour protéger leurs enfants d’un ex-conjoint animé d’une haine d’avoir été quitté au point de se venger sur les corps de ceux qu’ils ont vu naître, quand ils n’ont pas eu des relations incestueuses avant, provoquant ainsi la séparation.
Ils sont nombreux ces enfants qui, après la rupture, profitent d’être en sécurité chez leur mère pour dévoiler l’inceste et demander à ne plus aller chez leur père. Ils sont des centaines à être obligés de s’y rendre malgré les signalements de l’école, le dépôt de plainte dans le cadre d’une procédure Mélanie2, les preuves médicales et psychologiques de violences sexuelles qu’ils subissent le week-end ou pendant les vacances chez papa. Et ils sont tout autant à se retrouver ensuite à plein temps chez celui qui les viole ou les agresse sexuellement parce que la justice et les services sociaux refusent de prendre en compte leur parole, estimant qu’ils sont sous l’emprise d’une mère aliénante.
Un rapport circonstancié de la CIVISE pour arrêter le massacre
La Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIVISE) mandatée par une lettre de mission signée par Adrien Taquet le 23 janvier 2021 et coprésidée par le juge Édouard Durand et Nathalie Mathieu, a fait de ce phénomène préjudiciable pour les enfants et donc la société dans sa totalité, l’objet de son premier avis, le 27 octobre 2021.
Dans À propos des mères en lutte, la CIVISE atteste que des centaines de femmes les ont contactés pour porter à leur connaissance des plaintes déposées à la suite de révélations par leur(s) enfant(s) de violences sexuelles de la part du père et qui, malgré les preuves, ont vu ces accusations se retourner contre elles et ceux qu’elles veulent protéger.
Des pères manipulateurs qui utilisent le système pour incester leurs enfants en toute impunité
Afin de comprendre ce phénomène qui consiste à faire taire les mères et leurs enfants, nous avons rencontré deux femmes, Claire et Marie, respectivement maman de deux et trois enfants incestés par leur père, toujours manipulateur, parfois violent.
De leur parcours au moment de la séparation à la perte de la garde de leurs enfants, nous avons recueilli leurs témoignages. Leur parole a mis en évidence une stratégie identique de la part de l’agresseur, un père souvent reconnu dans le milieu où il évolue et qui, en accusant la mère d’être dans le conflit parental et d’aliéner ses enfants contre lui, connaît les moyens de faire taire celle qui l’a quitté et ses enfants, ceux qui lui doivent respect et obéissance.
La stratégie de l’agresseur
Car si chaque histoire est particulière, la stratégie de l’agresseur est toujours la même, comme le souligne la CIVISE : isoler sa proie (Je ne savais pas à qui en parler, raconte Claire), créer un climat de peur (la pression subie par Claire, la présence des couteaux dans le domicile de Marie), passer à l’acte (récupérer les enfants de force en utilisant la violence, comme le vit la maman de Lucas et Justine), inverser la culpabilité (Il est obligé de le faire à ses enfants car s’il le fait aux autres enfants, les autres parents vont le tuer », confie la petite Justine à propos de son père), imposer le silence (Depuis que je me tais, j’obtiens de nouveau des droits, nous relate Marie), rechercher des alliés (les grands-parents, la directrice d’école pour l’ex-conjoint de Claire, les éducateurs, la psychologue pour celui de Marie) et assurer son impunité (en accusant la mère de conflit parental pour s’attribuer les bonnes grâces des juges).
Dans un tel contexte, au sein d’un pays où la culture du viol n’est plus à démontrer, si une mère ou un enfant dénonce un viol ou une agression sexuelle incestueuse, la victime est renvoyée dans son silence par les institutions en arguant que face aux dénégations de l’agresseur, c’est parole contre parole. Quand, en plus, le syndrome d’aliénation parentale (SAP) s’invite dans les têtes des magistrats, il devient impossible de protéger ses enfants.
Au nom du pseudo-syndrome d’aliénation parentale
Inventé aux États-Unis en 1985 par le docteur Richard Gardner, l’aliénation parentale accrédite l’idée selon laquelle dans la plupart des séparations conflictuelles, le parent qui vit avec l’enfant, bien souvent la mère, « monte » l’enfant contre le père, afin que l’enfant refuse de le voir. Cette théorie n’a, à ce jour, jamais été reconnu par la communauté scientifique et a fait l’objet, en 2019, dans le rapport du GREVIO3 du Conseil de l’Europe, d’une alerte auprès des autorités françaises sur l’impact néfaste pour la protection de l’enfance de la diffusion de ce concept dans les pratiques des professionnels. Si en Espagne des mesures ont été prises en juin 2021 pour
empêcher l’utilisation de ce « SAP » par des professionnels, en France il est encore et toujours en vigueur dans les décisions de la plupart des professionnels, qu’ils soient magistrats, experts psychiatriques ou professionnels de l’enfance malgré la résolution du 6 octobre 2021 du Parlement européen faisant part de sa préoccupation sur le recours fréquent à ce pseudo-syndrome qui empêche de prendre en compte le témoignage des enfants et les risques de violences auxquels ils sont exposés.
Une note d’information du ministère de la Justice ignorée par les magistrats
Pourtant, dès juillet 2018, grâce à l’action de Mme Laurence Rossignol alors ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, une note d’information a été mise en ligne par le ministère de la Justice afin d’« informer les magistrats du caractère controversé et non reconnu du syndrome d’aliénation parentale, les inciter à regarder avec prudence ce moyen lorsqu’il est soulevé en défense et leur rappeler que d’autres outils sont à leur disposition en matière civile. » Il faut croire que la plupart sont restés sur la théorie infondée du SAP enseignée pendant des années à l’École Nationale de la Magistrature car, pour Claire, Marie et tant d’autres cette fausse théorie a mis en danger leurs enfants en invisibilisant et laissant faire les violences sexuelles dont ils sont encore victimes, en condamnant le parent protecteur et ce, bien après cette alerte du ministère de la Justice.
Une fausse théorie relayée par des experts masculinistes
De SOS Papa à certains experts en vogue : utiliser l’image du père aimant pour manipuler l’opinion contre les mères dites aliénantes
Des professionnels de renom tels que le docteur Bensussan, un psychiatre sexologue, expert depuis 1996 auprès de la cour d’appel de Versailles dont le texte remarqué, publié en 1999, Inceste, le piège du soupçon, lui permettra de développer ses thèses sur les fausses allégations d’abus sexuels des enfants, sévissent encore dans les prétoires, non sans rallier d’autres spécialistes. Le Dr Benssussan, d’ailleurs invité dès 1999 par SOS papa, une association masculiniste qu’il défend et dont les coups d’éclats sont largement relayés par la presse, devient une caution d’envergure au point de voir des juges rejoindre le mouvement. Pourtant, l’auteur réalisateur Patric Jean, dans son enquête choc au nom évocateur, La loi des pères, publiée en 20204 et pour laquelle il a infiltré les groupes masculinistes, démontre qu’« Une rapide enquête aurait pu montrer que l’homme [membre de SOS Papa qui a escaladé une grue en 2013 à Nantes] avait perdu le droit de garde, le droit de visite, ainsi que son autorité parentale, ce qui est très rare et implique des faits gravissimes. L’opinion aurait découvert qu’il avait en effet enlevé, avec violence, son propre fils pendant deux mois et demi. Et qu’il serait pour ces faits condamné à quatre mois de prison ferme. » Il faut souligner que cela fait de belles images pour défendre la mythologie sur la famille, ces pères qui réclament, au prix de leur vie, la garde de leur enfant. Quitte à condamner la mère protectrice sous prétexte d’une aliénation et
d’un conflit provoqué par les violences et l’inceste et, ce faisant, laisser se perpétuer des viols et des violences sur des enfants.
Des idées reçues infirmées par les statistiques
Pourtant, les études scientifiques démontrent (et notamment celle de 2005 réalisée par Trocmé et Balla) que sur 7 672 dossiers de maltraitance sur enfants, la mère n’est l’auteur des dénonciations que dans 7 % des cas et qu’elle ne commet une dénonciation intentionnellement fausse que dans 2 % des cas. De fait, la CIVISE estime après avoir croisé les enquêtes Contexte de la sexualité en France et Cadre de vie et sécurité que chaque année 160 000 enfants subissent des violences sexuelles et que 22 000 d’entre eux sont victimes de leur père. D’après l’enquête VIRAGE de l’INED, les victimes ayant été violées dans leur enfance désignent leur père dans 14 % des cas pour les filles et 10 % pour les garçons. Enfin, si le service statistique de la Justice ne dispose pas de données permettant d’isoler le nombre de poursuites relatives à des incestes paternels, nous savons qu’en 2020 seuls 1 697 personnes ont été poursuivies pour viols incestueux ou agressions sexuelles sur mineur quel que soit le lien de parenté avec la victime et qu’en 2018, seules 760 personnes ont été condamnées pour l’une ou l’autre de ces infractions. Ça en fait des pères qui échappent aux poursuites et à la condamnation.
La vérité ne sort plus de la bouche des enfants depuis l’affaire d’Outreau
C’est ainsi qu’on parvient à un nombre aussi effrayant d’enfants incestés par leur père chaque année. Que des mères luttent et hurlent sans être entendues. Que dans 80 % des cas, ce sont ces mêmes mères, comme en témoignent Claire et Marie, qui sont condamnées pour non – représentation d’enfant (d’après une étude de 2019 du ministère de la Justice) alors que beaucoup d’entre elles et de leurs enfants dénoncent, preuves à l’appui, des actes interdits par la loi. En conséquence, des enfants grandissent dans la haine de la Justice, de la société au nom de la protection de l’enfance qui ne fait rien pour les protéger. Pire qui les envoient subir des viols, des agressions sexuelles et des violences chez leur père pour préserver un lien parental à conserver coûte que coûte. N’en doutons pas, ceci nous coûte.
Des propositions concrètes pour protéger les mères et les enfants d’un père incesteur
Les recommandations de la CIVISE
Malgré ces amers constats, nous conservons un espoir grâce aux travaux de la CIVISE qui, pour en finir avec le déni de la réalité des violences sexuelles faites aux enfants et la présomption de culpabilité des mères recommande :
D’assurer la sécurité de l’enfant dès les premières révélations de viol, d’agressions sexuelles incestueuses en suspendant de plein droit l’autorité parentale, les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour ces actes,
D’assurer la sécurité du parent protecteur en suspendant les poursuites pénales pour non-représentation d’enfants contre un parent lorsqu’une enquête pour pratiques incestueuses est en cours contre l’autre parent,
D’assurer enfin la sécurité durable de l’enfant et du parent protecteur en prévoyant dans la loi le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour des violences sexuelles contre son enfant.
Un espoir mitigé
Si Emmanuel Macron a déclaré le 23 janvier 2021 : « Vous n’êtes plus seul.e.s, on vous croit. » et a donné les moyens à la CIVISE de mener ses enquêtes, force est de constater que les avis de la Commission n’ont pas encore été concrétisés par des mesures notables. De fait, l’espoir de voir ces recommandations aboutir reste mitigé dans le contexte actuel où l’Ordre des médecins n’est pas favorable à une obligation de signalement, où tant de ministres sont mis en cause pour viol, agressions sexuelles, violences conjugales ou parce qu’ils ont tenu des propos sexistes. Surtout quand en plus, lors du procès d’Outreau, l’avocat qui a défendu la thèse selon laquelle on ne pouvait décidément pas prendre en compte la parole de l’enfant a été récemment reconduit comme ministre de la Justice.
Pourtant, une société qui ne protège pas ses enfants est une société vouée à s’éteindre. Nos dirigeants, nos magistrats et tous ceux qui refusent de voir cette réalité feraient bien de s’engager au côté des mères protectrices et de défendre l’avenir que sont nos enfants notamment aux côtés du collectif Enfantiste (dont la première manifestation se tiendra ce vendredi 10 juin à Paris) plutôt qu’un lien paternel qui se révèle dans certains cas dévastateur et assurément nocif pour tous. Ne l’oublions pas. L’injustice crée les injustes. Et les violences sociales qui vont avec.
1 Afin de protéger l’anonymat des personnes qui ont accepté de témoigner, tous les prénoms ont été modifiés.
2 Du prénom de la première fillette qui en a bénéficié, cette procédure adaptée aux enfants est menée par des officiers habillés en civil. Elle se tient dans une salle équipée de caméras et de micros pour éviter de devoir entendre une nouvelle fois l’enfant par la suite et, de fait, l’obliger à revivre le traumatisme. Décorée comme une chambre d’enfant, on y trouve des poupées, des puzzles anatomiques afin que les plus jeunes puissent montrer et nommer les parties du corps qu’ils connaissent et ce qu’ils ont subi. Un pédopsychiatre se tient dans une salle de contrôle près de la salle d’audition afin de surveiller et d’interpréter le comportement de l’enfant.
3 Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
Le 22 mars 2022, lorsque Sandrine Rousseau, figure du parti EELV, a confié à l’occasion d’une interview vouloir créer un délit de « non-partage des tâches domestiques », elle avait été la risée des réseaux sociaux et avait subi moqueries et insultes en cascades.
Elle avait précisé à l’époque que « le privé c’est le politique » et que l’égalité entre les femmes et les hommes devait être absolue.
Faire reconnaître dans un couple un non-partage des tâches domestiques comme on reconnaît les violences au sein des couples ?
Or d’après une étude révélées ce mercredi par Le Parisien, une femme sur deux (et 44% des hommes) adhère à une telle mesure. En effet, cette étude Ifop pour Consolab inspirée par la question soulevée par Sandrine Rousseau – réalisée du 28 au 31 mars précisément – révèle que les Françaises sont nombreuses à ne pas trouver absurde cette idée de sanctionner leur conjoint qui ne participe pas à leur hauteur aux tâches du foyer.
L’enquête constate, avant tout, que 57% des femmes en couple avec un homme estiment “en faire plus que leur conjoint” à la maison, tandis que seulement 16% des interrogés masculins pensent, à l’inverse, être plus investi que leur compagne.
Les femmes sont même 31% à considérer en faire “beaucoup plus que leur conjoint”. Un pourcentage à la baisse, car elles étaient 45% à estimer cela en 2015, il y a sept ans.
Face à cette inégale répartition de la charge mentale quotidienne – ménage, courses, soins aux enfants -, 50% des Françaises, soit une femme sur deux, soutiennent la proposition de Sandrine Rousseau et se disent favorables à la création d’un délit de non-partage des tâches domestiques.
Une idée qui plaît donc en théorie, mais qui reste mitigée face à la pratique. En effet, seulement 14% des Françaises se sont dites vraiment prêtes à porter plainte contre leur conjoint.
Il semble que le principe du consentement libre et clair ne soit pas connu de certains avocats. Maîtres Karim Laouadi et Merabi Murgulia, défenseurs d’un violeur aujourd’hui condamnés, s’étonnent du jugement qui frappe leur client.
En 2014 puis en 2017, Babacar, âgé aujourd’hui de 36 ans a, par deux fois, eu des relations sexuelles avec des femmes pendant qu’elles dormaient. Ces femmes étaient, à chaque fois, sous l’emprise de l’alcool et de drogue, selon nos confrères du journal Le Parisien.
Campagne de prévention du viol
Passons sur le fait que l’une des deux victimes était mineure au moment des faits, le juge l’a sans doute pris en compte dans l’appréciation du crime.
Le consentement est défini dans le dictionnaire comme l’ “action de donner son accord à une action ou à un projet.” Juridiquement parlant, “le consentement à un acte sexuel est le fait, pour deux personnes, d’accepter de manière non-équivoque d’avoir un rapport sexuel ensemble.”
Surprise des avocats
Les avocats de ce criminel s’étonnent, dans les colonnes du Parisien : “Notre client continue de clamer son innocence” ont-ils réagi ”Comme trop souvent, en matière d’infractions sexuelles, la seule parole des plaignantes suffit pour condamner un homme à huit ans de prison.”
A croire qu’ils n’ont pas conscience de ce qu’est l’état de sommeil.
Le Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil de Lausanne (Suisse) explique avec clarté (https://www.chuv.ch/fr/sommeil/cirs-home/recherche/reves-et-conscience) : “Toutes les nuits, quand nous nous endormons, notre conscience subit des changements remarquables. (…) A d’autres moments de la nuit, la conscience peut totalement disparaître, typiquement, mais non exclusivement en sommeil profond en début de nuit.”
En des termes plus adaptés à la justice, lorsqu’on s’endort, on déconnecte le cerveau du monde extérieur et on le connecte avec son monde intérieur.
On ne peut donc pas, lorsque l’on dort, avoir un comportement d’accord ou d’acceptation de quoi que ce soit. C’est la raison, par exemple, qui fait qu’on doit être éveillé pour signer un chèque de paiement des émoluments dus à un avocat.
L’accusé reconnaît les relations sexuelles
En outre dans cette histoire l’accusé reconnaît les relations sexuelles. Il est qualifié, par nos confrères du Parisien d’“habitué des soirées branchées de la capitale, consommateur régulier de cocaïne.”
Nous sommes donc, ici, face à un accusé qui prend de la drogue, qui a des relations sexuelles avec des femmes alcoolisées et droguées. Et qui dorment.
La prise de quelque substance que ce soit ne change rien à la caractérisation du viol
Les faits sont là, cet homme a profité d’un état de faiblesse de ces femmes pour avoir des relations sexuelles avec elles. Il les a forcées à ces relations sexuelles pendant qu’elles étaient endormies.
Il les a violées.
Les viols en soirée
Le Collectif Féministe Contre le Viol, représenté par Maître Rongier, déclarait à la sortie du Tribunal : “Le viol en soirée dans un contexte alcoolisé, souvent minimisé, a été reconnu et sanctionné à la hauteur de la gravité des faits. C’est une avancée dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.”
L’association s’est portée partie civile dans ce procès.
Il est une évidence à rappeler : le fait qu’une personne consomme de la drogue, de l’alcool en toute conscience et en toute lucidité n’autorise pas de fait encore moins implicitement de rapport sexuel. Au contraire, l’humanité et l’empathie naturelle de l’être humain devraient faire en sorte que le comportement (masculin comme féminin) par défaut, soit alors protecteur et secourant.
Peine légère
La peine qu’il reçoit en réparation de son crime est bien légère. Ce sont huit années de prison auxquelles le violeur est condamné, là où les textes condamnent à quinze années d’emprisonnement les violeurs.
Les attendus de ce procès ne sont pas encore disponibles, mais il est certain que les circonstances auront été jugées atténuantes eut égard au crime commis. A commencer par le fait que ces femmes avaient absorbé alcool ou drogue, consciemment, avant d’être violées. Sans doute aussi le fait qu’il n’ait pas été fait usage de violence ou de menace a-t’il pu influencer cette procédure de jugement.
Dans tous les cas, les deux victimes devront se contenter d’une demi-mesure dans la réparation du crime qu’elles ont subi.
Les commentaires des avocats de l’accusé ne viendront pas alléger cette douleur.
Accusé de viol et d’agression sexuelle sur mineure, le nageur Yannick Agnel est mis en examen mais libre au terme de 48h de garde à vue. L’enquête fait suite à une plainte d’une nageuse, fille aînée de son entraîneur Lionel Horter, qui s’entraînait avec Agnel à Mulhouse entre 2014 et 2016. Plusieurs nageurs ou anciens nageurs ont été auditionnés ces dernières semaines. Yannick Agnel a reconnu “la matérialité des faits” que lui reproche la justice mais pas “la contrainte”. Le nageur avait 24 ans et la plaignante 13 ans au moment des faits en 2016. La victime a signalé plusieurs viols dans le Bas-Rhin, en Thaïlande, à Rio ou Tenerife. Yannick Agnel encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle.
La magistrate a rappelé que la loi interdit en France toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans, même si celui-ci est consentant.
A la même époque, entre deux longueurs, Yannick Agnel trouve le temps de s’improviser chroniqueur cinéma. Le nageur a lancé une chaîne Youtube avec Liberty, la plus jeune fille de Lionel Horter, fin avril. Il y commente (occasionnellement) les dernières sorties sur grand écran.
Une série de vidéos très malaisantes datant de 2016 .. et qui prennent une toute autre dimension lorsque l’on se remémore le contexte (moment des faits).
Chaîne Youtube assortie d’une photo dans un tweet de Yannick Agnel (supprimé hier par son auteur) : “Je l’aime beaucoup beaucoup signé @liberty_horter”
DR Yannick Agnel
Les filles de l’entraîneur Lionel Horter pratiquent aujourd’hui toutes deux la natation.