Lettre ouverte de la FNVF – AFVF au gouvernement

Nous diffusons aujourd’hui la lettre ouverte au gouvernement pour évoquer le sort des enfants orphelins de mères suite à un féminicide dont l’association Brillante éditrice de Brillante magazine est signataire.

LETTRE OUVERTE AU GOUVERNEMENT

CO-SIGNEE PAR L’ASSOCIATION DES FAMILLES DE VICTIMES DE FEMINICIDES

Autres associations signataires

FEMMES SOLIDAIRES AFVF LES MALTRAITANCES MOI JEN PARLE SAME42 LES FOULEES DU SOURIRE – BE BRAVE France – ASPIRE UNE VIE UN TOI – PREVENIR ET PROTEGER – ASSOCIATION BRILLANTE – LES MAMANS DU CIEL – MOTS ET MAUX DE FEMMES – LA MAIN SUR LE CŒUR – DONNE DI CORSICA – ELIEN REBIRTH – PROTEGER L’ENFANT –

Familles FNVF

Nathalie ROBERT – Alexia BERNISSON – Nathalie ZUCCO – Aurélia ROBERT – Gregory BERNISSON- Marina DIAS – Victoria LOPEZ – Elie DAOUD – Adélina CARINE – Patricia LEGRAND – Régis LEGRAND Laeticia MALASSINET – Laeticia BOITTE – Catherine BARGUE

– Pascal GREVIN – Antoine FIRMA- Virginie DELAMARRE – Anaick DOUDARD – Amandine CARO – Chrystèle SUZE – Marie-Annick KADELINE – Alain Suze -Jessica BODIN – Marie-Laure RUBOD – Stella GUITTON – Martine GHIONE- RUSSO – Marlène DUCROT- Emilie ROSE – NOUJOUD Asia GHEMRI

Personnes engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants

SABINE SALMON PRESIDENTE FEMMES SOLIDAIRES -NATHALIE TOMASINI AVOCATE – PAULINE RONGIER AVOCATE- FLORENCE TOROLLION AUTRICE – ARNAUD GERVAIS PRESIDENT ASPIRE UNE VIE UN TOIT – KATHYA DE BRINON FONDATRICE DE SOS VIOLENFANCE – STEPHANE CARCHON-VERIER COORDINATEUR MOTS ET MAUX DE FEMMES – GAELLE MONOT ELUE MUNICIPALE ET AGGLOMERATION VILLE DE BREST – LYDIE DRAME JOURNALISTE – LAETITZIA CONSTANTINI PRESIDENTE DONNE DI CORSICA – FLORENCE ELIE PRESIDENTE ELIEN REBIRTH – ELISA CAMBOU DIRECTRICE ADMINISTRATIVE ELIEN REBIRTH – JESSICA STEPHAN COORDINATRICE VIF AFVF – DELPHINE HERROU PHOTOGRAPHE – ARNAUD GALLAIS CO-FONDATEUR PREVENIR & PROTEGER – PAULINE BOURGOIN MEMBRE DE WE TOO CHILD ABUSE – NATHALIE COUGNY PRESIDENTE DE LES MATRAITANCES MOI J’EN PARLE – LAETICIA LANDRU FONDATRICE LA MAIN SUR LE CŒUR – MELANY BODY ILLUSTRATRICE.

Rennes, Le 8 Février 2023,

Monsieur le Président

Madame Elisabeth BORNE 1ère Ministre

Madame Charlotte CAUBEL Secrétaire d’état en charge de l’enfance

Madame Isabelle ROME Ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes

Mesdames les chargées de mission parlementaire pour le traitement des Violences intra-familiales

Madame Dominique VERIEN Madame Emilie CHANDLER

Mesdames les responsables de la délégation des enfants de l’AN

Madame Perrine GOULET Madame Maud PETIT

Mme Isabelle SANTIAGO

Au nom des familles de la FNVF et AFVF que nous représentons, nous nous adressons à vous pour évoquer le sort des enfants orphelins de mère suite à un féminicide. Chaque jour, nous sommes confrontés au désarroi des familles ayant perdu leur proche.

Celles-ci doivent faire face en un temps record à une multitude d’obligations. A ce terrible traumatisme s’ajoute la complexité de la machine judiciaire qui s’enclenche auxquelles elles ne sont pas préparées.

En 2022 selon le recensement de la FNVF

*    110 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Description : *   70 d’entre elles étaient mère.

*    143 enfants sont devenus orphelins

Selon l’étude nationale des Morts violentes dans le couple, entre 2019 et 2022

*    446 enfants sont devenus orphelins suite au féminicide de leur mère.

Il s’agit là d’un phénomène sociétal. Quel sera l’avenir de ces enfants à long terme ? Comment accompagner les proches chargés de leur éducation ?

Nous souhaitons que l’état puisse s’engager pleinement dans la prise en charge de ces enfants

orphelins qui seront les adultes de demain.

En 2017 la mère de Louane a été assassinée par son père, elle n’avait que 6 ans. Le père de la fillette de 9 ans, condamné à 30 ans de réclusion criminelle, n’a pas perdu l’autorité

parentale et pourrait demander à la voir en prison. Elle a été placée chez ses grands- parents provisoirement sur décision de justice.

En 2018 Marie DB mère de 5 enfants dont des triplés âgés de 9 mois a été tuée par son ex- compagnon. Sur décision du juge les plus petits ont été placés dans 3 familles d’accueil différentes à 200 kms du domicile de la famille maternelle et de leurs frère et sœur. Une démarche de rapprochement familial a été demandée sans succès par la tante et nièce de Marie.

Johanna était assassinée de 51 coups de couteaux devant sa petite fille âgée de 3 ans et demi.

En 2019 La vie de Léa a basculé lorsqu’elle avait 20 ans. La jeune femme a été témoin du meurtre de sa mère, tuée à coups de couteau par son compagnon, puis s’est retrouvée seule, démunie et sans accompagnement.

En avril 2022, Marie décède poignardée par son ex-compagnon devant ses deux petites filles mineures. Elle était mère de 4 enfants.

En mai 2022, Nathalie a été tué par son ex-compagnon. Elle laisse derrière elle 4 enfants mineurs. Sa sœur est désignée tiers de confiance pour s’occuper de ses neveux. Elle a elle- même 2 enfants. Un tsunami après la mort de leur proche pour cette famille qui du jour au lendemain doit changer d’appartement avec 6 enfants à charge.

En juillet 2022, Victor se retrouve seul avec son frère et sa sœur mineurs placés par

l’ASE. Il n’a que 22 ans. Son père a tué sa mère et s’est ensuite suicidé.

Comment grandir, se reconstruire, lorsque papa est en prison pour avoir tué maman ? Chaque année, des centaines d’enfants sont confrontés à ce drame. Ils sont les victimes silencieuses des féminicides. Le quotidien de ces enfants a été décrit dans un documentaire produit par France TV en collaboration avec la FNVF. Que deviennent-ils après un tel cataclysme ? « C’est le juge des enfants qui en décide. Ils peuvent être confiés à des oncles, tantes ou grands-parents, ou bien, si aucun parent proche ne se propose, à l’ASE », l’aide sociale à l’enfance. Certains d’entre eux sont placés dans des foyers faute d’avoir selon les département suffisamment de familles d’accueil disponibles. Cela est une double peine pour ces enfants.

Nous pouvons considérer les pouvoirs publiques redevables envers ces innocents avec plus de :

*    700 victimes de féminicides depuis 2017

*    111 orphelins par an en moyenne soit 555 enfants ayant perdu leur mère

Un certain nombre de ces féminicides auraient pu être évités. Selon le rapport du ministère

de l’intérieur le nombre de féminicides a augmenté de 20% en 2021 avec :

*   122 femmes tuées par leur conjoint ou ex.

*    25% des auteurs étaient déjà connus par la justice

*   32% des victimes avaient déjà subi des violences antérieures parmi elles 25 victimes avaient déjà déposé plainte.

Dans ce contexte, la nation a une responsabilité dans la prise en charge des orphelins et des familles impactées suite au décès de leur proche. Il nous semble indispensable que les enfants suite au meurtre de leur mère dans le cadre d’un féminicide puissent bénéficier des mêmes dispositions d’aide et d’accompagnement que les victimes de terrorisme.

Le statut de pupille de la nation prévoit la prise en charge des enfants dont les parents ont été victimes de terrorisme.

*   L’attentat du 11 novembre 2015 a fait 130 morts

*  L’attentant de Nice en 2016 a fait 86 morts.

Chaque famille ayant perdu leur proche suite à ces derniers attentats ont pu solliciter

l’adoption par la nation des enfants désormais devenus orphelins de mère ou de père, voire les deux. Les enfants de féminicide à défaut d’avoir une tante, un oncle ou des grands-parents pouvant les recueillir sont généralement placés par l’aide sociale à l’enfance.

Le quinzième rapport au parlement et au gouvernement de l’observatoire national de la protection de l’enfance en septembre 2021, précise qu’au 31/12/2019 :

312 500 mineurs et 24 700 majeurs ont été suivis en protection de l’enfance pour un budget de 8.56 milliards environ qui est plus élevé que le PIB de certains pays, pourtant le ministère de la santé et de la prévention indiquait en 2019 :

*    Que 70% des jeunes placés à l’Ase n’ont aucun diplôme

*   15.8% de ces jeunes ne sont plus scolarisés à 16 ans.

Ces chiffres interpellent indubitablement.

Car même si la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants dite loi Adrien Taquet interdit d’ici 2024 le placement à l’hôtel des mineurs, cela pose tout de même question. Combien d’enfants placés sont encore aujourd’hui hébergés dans des hôtels en attendant un place dans des structures d’accueil adaptées.

Dans le cadre de l’intérêt supérieur de l’enfant est-il acceptable ou éthique que les institutions censées les protéger aient eu cette approche contestable ? au global (faits rapportés dans le rapport de 2019 de la Fondation Abbé Pierre sur le mal logement)

Les anciens enfants placés en protection de l’enfance représentent :

*    36% des jeunes SDF de moins de 25 ans et 26% des SDF au total

Dès lors nous demandons que les orphelins de féminicides puissent bénéficier au même titre que les victimes de guerre ou d’attentat du statut de pupille de la nation beaucoup plus sécurisant par la protection de l’ONACVG établissement public sous tutelle du ministère des armées qui pourrait assurer leur avenir en leur proposant

(source https://www.onac-vg.fr/demarches/devenir-pupille-de-la-nation)

En matière d’entretien et d’éducation en complément des aides du droit commun (allocations familiales, bourses d’études) et chaque fois que la situation le requiert des subventions aux pupilles de la Nation Subventions d’entretien destinées à assurer les besoins de base de l’enfant (garde, habillement, nourriture, loisirs) versées si nécessaire dès la naissance.

Subventions pour frais de maladie, de cure, de soins médicaux en complément des prestations de la sécurité sociale et de l’aide médicale gratuite (prise en charge des frais d’optique, de traitements d’orthodontie etc…)

Subventions de vacances

Subventions d’études qui peuvent être renouvelées jusqu’au terme des études supérieures dès lors qu’elles sont entreprises avant 21 ans. A cet égard, il faut souligner que les pupilles de la Nation sont, de plein droit, exonérés du paiement des droits de scolarité dans les universités

Subventions pour les projets des pupilles entrés dans la vie active avant 21 ans.

En matière d’emploi :

Subventions d’aide à la recherche d’un premier emploi

Octroi par l’ONaCVG de prêts d’installation professionnelle, cumulables avec des prêts de première installation. Sans intérêt, remboursables sur des délais pouvant couvrir 3 années, avec une franchise de 3 mois, ces prêts de 3.000 euros permettent de favoriser une installation professionnelle

Les Pupilles et les orphelins de guerre, quel que soit leur âge, bénéficient du recrutement par la voie des emplois réservés dans les administrations, les collectivités locales, les établissements publics qui leur sont rattachés et les hôpitaux publics

Les orphelins de guerre âgés de moins de 21 ans bénéficient de l’obligation faite aux employeurs de droit public ou privé occupant au moins vingt salariés de compter, dans la proportion de 6 % de l’effectif total, des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés.

 En matière de fiscalité :                                                                                                      

Tous les actes ou pièces ayant exclusivement pour objet la protection des pupilles de la Nation sont dispensés du timbre. Ils doivent être enregistrés gratuitement s’ils sont soumis à cette formalité ;

Lorsque les pupilles de la Nation ont été adoptés par une personne physique, les transmissions à titre gratuit (dons et legs) faites en leur faveur par l’adoptant bénéficient des droits applicables en ligne directe et de l’abattement prévu à l’article 779 du code général des impôts, même en cas d’adoption simple

De même, les dons et legs consentis aux pupilles de la Nation bénéficient du régime fiscal des mutations à titre gratuit en ligne directe lorsque le donateur ou le défunt a pourvu à leur entretien pendant cinq ans au moins au cours de leur minorité.

Les successions des personnes décédées du fait d’actes de terrorisme ou des conséquences directes de ces actes dans un délai de trois ans à compter de ceux-ci, ou de faits de guerre dans un délai de trois ans après la cessation des hostilités ou le fait générateur du droit, sont exonérées des droits de mutation.

Les orphelins de guerre et les pupilles de la Nation devenus adultes demeurent à vie ressortissants de l’ONACVG et continuent à bénéficier du soutien moral et matériel de l’Office à l’instar de l’ensemble de ses ressortissants.

Les orphelins de féminicides après avoir perdu leur mère et ou assisté au meurtre de celle-ci doivent pouvoir bénéficier du statut de pupille de la nation. Les proches chargés de leur éducation devraient pouvoir obtenir la possibilité de saisir l’ONACVG et d’être accompagnés sur la durée au même titre que les veufs ou veuves de guerre ou d’attentat.

Nous souhaitons pouvoir être entendus sur ce sujet essentiel et nous nous tenons à votre disposition pour échanger et collaborer sur la possibilité de travailler sur une proposition de loi visant à offrir aux orphelins de féminicides un futur rempli d’espoir. N’oublions jamais que ces enfants seront les adultes de demain.

Avec notre plus profond respect,

Sylvaine Grevin Présidente FNVF
Noel Agossa Président AFVF

Sylvaine Grévin, présidente de la Fédération Nationale des Victimes de Féminicides : “La réponse judiciaire n’est pas adaptée”

Elle parle d’une voix douce mais convaincue, Sylvaine Grévin, Présidente de la Fédération Nationale des Victimes de Féminicides (FNVF) est bien décidée à faire bouger les choses et évoluer la société.

Un projet ambitieux ? Pas si l’on prend le temps de comprendre son parcours. Sylvaine est avant tout une femme meurtrie dans sa chair. Suite au décès de sa soeur Bénédicte Belair le 4 avril 2017, une instruction judiciaire est en cours pour meurtre sur conjoint depuis 2018 au parquet de Senlis.
Elle est donc la mieux placée pour écouter et assister les familles victimes collatérales de ce type de drame. Très sensible, celle qui a pour habitude “d’évacuer sur son mari les histoires entendues dans la journée” ne manque pas de courage et il en faut une sacrée dose. Mais Sylvaine, cadre dirigeante, est de ces femmes fortes, forgée aux us et coutumes des méthodes d’entreprise.

Fondatrice de la FNVF, Sylvaine Grévin est cosignataire – en compagnie de l’AFVF – d’une tribune adressée au Gouvernement, vendredi 3 novembre (disponible ici). Pour mieux comprendre le contexte, Sylvaine nous rappelle que “ce lundi 29 novembre à Portel-des-Corbières dans l’Aude une femme d’une quarantaine d’années a été tuée à l’arme blanche par son conjoint, le drame a eu lieu au sein du domicile du couple où il vivait avec leurs deux enfants de 7 et 10 ans. Il s’agit de la 106ème victime de féminicide depuis le 1er janvier 2021.”

A peine quelques jours avant elle, Sylvaine nous raconte avec horreur les circonstances du décès de Bouchra, mère de deux filles âgées de 5 et 14 ans, sous les coups de poignards de son ex-conjoint, qui sortait de prison: “Bouchra bénéficiait d’un dispositif de protection dont le fameux téléphone “grave danger”. Libéré le 5 octobre, son ex-conjoint avait violé son interdiction d’entrer en contact avec Bouchra ce qui avait déclenché ce dispositif. Il a été écroué le 8 octobre et quelques jours après le juge d’application avait révoqué deux mois sur les six de sursis. Il devait donc sortir le 7 décembre mais avec les remises de peine, l’ex-compagnon de Bouchra est sortie le 17 novembre, sans qu’elle n’en soit avertie.”

Et Sylvaine de se poser des questions bien légitimes : “pourquoi ce récidiviste ne portait-il pas de bracelet électronique ? Comment se fait-il que personne (NDLR : ni son avocat, ni le tribunal) n’est averti la jeune femme ? La majorité des victimes doivent faire elles-mêmes la démarche de contacter le Juge aux Affaires Familiales pour savoir si leur ex-conjoint est sorti de prison.” Et de conclure avec son empathie habituelle: “Bouchra n’aurait jamais dû mourir !

A l’heure où la championne de judo Margaux Pinot, soutenue par de nombreuses personnalités du monde sportif, dénonce des faits de violences commis par son compagnon et entraîneur Alain Schmitt, le tribunal de Bobigny estime “n’avoir pas assez de preuves de culpabilité” pour inculper le compagnon de Margaux Pinot qui pose la question à son tour : “Que manquait-il ? La mort au bout, peut-être ?” Le parquet a fait appel de la relaxe.

En France, les chiffres des violences conjugales s’envolent.

Selon le ministère de l’Intérieur, elles ont ainsi augmenté de 10% sur l’année 2020 (confinement oblige). Environ 87% des victimes de violences conjugales sont des femmes.

Dans un rapport produit le 9 octobre 2020 le haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes indique que 80% des plaintes de violences conjugales sont classées sans suite.

La FNVF a noté une augmentation des crimes conjugaux avec un taux de récidive sur les 105 auteurs recensés de 26%.

Selon le rapport du ministère de l’Intérieur, sur les morts violentes au sein du couple pour 2020, les femmes représentent 82% du total des victimes.

Pour Sylvaine Grévin, “jamais autant de mesures n’ont été mises en place : bracelets électroniques, téléphone “grand danger”, pour autant – et elle insiste – l’accompagnement des victimes, les réponses judiciaires, le suivi des auteurs et l’application des mesures décidées par le gouvernement, ne sont pas adaptées ni évaluées comme il le faudrait. Les délais d’obtention du “téléphone grand danger”, par exemple, sont beaucoup trop longs (Sylvaine nous raconte alors l’histoire de Laly1, femme victime de violences, qui a mis 4 mois pour obtenir enfin le téléphone grave danger après en avoir fait la demande auprès d’une association – NDLR), les hébergements d’urgence ne sont pas toujours adaptés, avec des décisions judiciaires incompréhensibles qui interdisent à l’auteur des violences de s’approcher de sa compagne mais qui en parallèle l’autorise à rendre visite à ses enfants dont on sait qu’ils sont les victimes directes des violences subies par leur mère.”

Face à un véritable phénomène sociétal en hausse, Sylvaine nous évoque le modèle Espagnol où le nombre de féminicides a baissé de 25 % depuis 2004. Selon ONU Femmes, l’Espagne bénéficie d’une des lois les plus protectrices dans le monde. Une loi-cadre intitulée : « Mesure de protection intégrale contre les violences conjugales » a en effet été votée en 2004. Elle a été complétée en 2017 par une loi « pacte d’État » contenant 290 mesures interministérielles.

Il faut évaluer la dangerosité des potentiels auteurs de féminicides, mais la justice manque de moyen et de psychiatres sur le terrain car le métier de psychologue public est peu reconnu et malheureusement sous-payé“, nous détail Sylvaine, “il y a encore trop d’effets d’annonces suivis de peu d’applications des mesures. Le ministère public n’a pas de moyens humains et il n’y a pas de coordination entre les services. Savez-vous que les familles des victimes de féminicides sont tenues de nettoyer elles-mêmes la scène de crime ou de prendre à leur charge la société de nettoyage ? Cela rajoute au traumatisme..” nous raconte celle qui se retrouve confrontée à cette réalité violente et inhumaine au quotidien.

Nommée au sein du groupe de travail du gouvernement sur le sujet, ses propositions sont entendues mais sont-elles véritablement prises en compte ? Parmi les nombreuses demandes de la FNVF dans la Tribune à paraître dans Le Monde, Sylvaine Grévin insiste sur l’urgente nécessité de faire évoluer le fonctionnement actuel de la justice concernant l’application des lois et une meilleure prise en compte des victimes et parties civiles. Elle s’associe en cela à l’appel des 3000 magistrats et leur tribune (parue le 23 novembre dans Le Monde, NDLR) soulignant un certain nombre de problématiques sur la désorganisation générale et l’archaïsme de cette lourde machine judiciaire mais souhaite aller encore plus loin.

Nous souhaitons la nomination d’une commission interministérielle indépendante en charge des violences conjugales et des Féminicides (…) Nous souhaitons à l’instar de l’Espagne la création d’un tribunal spécifique aux violences intra-familiales avec la mise en place d’une filière de formation débouchant sur la fonction de juge spécialiste en violences conjugales afin que ce fléau soit traité à part entière ce qui permettrait une prise charge plus efficiente et allègerait la surcharge actuelle des tribunaux judiciaires.”

Cadre dirigeante dans sa vie professionnelle, Sylvaine nous évoque les reportings effectués en entreprise auprès de sa hiérarchie : “L’objectif de cette commission serait d’effectuer un contrôle qualitatif des mesures décidées par le gouvernement en fournissant un rapport semestriel à chaque ministère concerné. Nous le faisons tous tous les jours dans le cadre professionnel privé, pourquoi n’en serait-il pas de même dans le domaine public ?”

Collage Paris 2019 – Ittmust

On les oublie encore trop souvent.. D’après Josiane Bigot, présidente de la CNAPE et magistrate, on estime à 4 millions le nombre d’enfants qui seraient au total témoins de violences conjugales en France. Pour Sylvaine Grévin ces premières victimes collatérales sont à protéger plus efficacement : “Nous devons aller plus loin que le décret n° 2021 -1516 du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes et souhaitons la suspension immédiate pour le conjoint violent des droits de visite et d’hébergement de ses enfants. L’interdiction de visite médiatisée pour les conjoints condamnés avec retrait systématique des droits parentaux aux conjoints maltraitants.

Combattive, sans une once d’agressivité, Sylvaine, qui se dit féministe, n’est pas une femme résignée. Afin de légitimiser le combat, elle souhaite avant tout “porter les voix de celles qui ne sont plus” avec la ferme conviction que “la sororité et l’espoir peuvent changer les choses“. Pour cette femme sensible, les associations féministes sont d’une aide précieuse qu’il ne faut pas sous estimer, “ensemble et dans la bienveillance on peut faire beaucoup en se soutenant les unes, les autres“.
Gageons qu’avec une telle humanité, de telles actions et une motivation chevillée au corps, la porte parole de celles qui ne sont plus, fera résonner à nouveau leurs cris très haut.

1 Pour des raisons d’anonymat, le prénom a été changé.

Site de la Fédération Nationale des Victimes de Féminicides : www.fnvf.org

Page Facebook de la Fédération Nationale des Victimes de Féminicides : www.facebook.com/FNVF.Asso

Tribune au gouvernement

Si vous êtes victime de violences, ou si vous êtes inquiet pour une membre de votre entourage, il existe un service d'écoute anonyme, le 3919, joignable gratuitement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. D'autres informations sont également disponibles sur le site du gouvernement, où il est également possible de déposer un signalement.